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jeudi, 12 novembre 2020

Les Etats-Unis créent des homologues arabes et asiatiques à l'OTAN

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Les États-Unis créent des homologues arabes et asiatiques à l’OTAN

Par Leonid Savin

Source Oriental Review

Photo ci-dessus: « Gulf Shield Joint Exercise-1 », exercice tenu dans l’Est de
l’Arabie Saoudite, le 14 avril 2018.

Des troupes de 25 pays ont effectué un exercice de tir à balles réelles.

Les États-Unis ont récemment intensifié leurs activités militaires et politiques dans plusieurs domaines. Outre l’accent mis par le Pentagone sur le Moyen-Orient et l’Afghanistan sous couvert de lutte contre le terrorisme et sur l’Europe afin de « contrôler la Russie », les deux dernières années ont vu une augmentation notable de l’activité dans la région indo-pacifique due à la Chine.

Début octobre, cependant, les États-Unis ont soudainement établi une présence en Afrique du Nord.

Du 29 septembre au 4 octobre, le secrétaire américain à la défense, Mark Esper, s’est rendu dans des pays d’Afrique du Nord et de la région méditerranéenne – Maroc, Algérie, Tunisie et Malte. D’importants documents de coopération bilatérale ont été signés en Tunisie et au Maroc – des « feuilles de route » pour la coopération militaire et sécuritaire.

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Les États-Unis ont promis d’aider la Tunisie à protéger ses frontières, qui pourraient être menacées par la Libye voisine, et une offre similaire a été faite au Maroc en ce qui concerne la région du Sahel. L’accord prévoit une coopération au cours des dix prochaines années.

Les domaines prioritaires comprennent également le renforcement des capacités militaires, l’amélioration de l’interopérabilité, l’augmentation de l’état de préparation des forces et le soutien du rôle des pays dans le maintien de la sécurité régionale.

Une grande importance est accordée à l’exercice African Lion, qui, selon les États-Unis, devrait être un événement attrayant pour les participants de tout le continent africain.

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En visite à Rabat, Mark Esper a déclaré dans un discours que le Royaume du Maroc et les États-Unis « travaillent ensemble pour promouvoir la sécurité, la stabilité et la prospérité pour nos objectifs communs et nos peuples », notant que son pays est animé par le désir « de consolider continuellement son engagement fort et de longue date envers l’Afrique et en particulier envers le Maroc, allié stratégique des États-Unis en dehors de l’OTAN et porte d’entrée du continent africain ». Le secrétaire américain à la défense s’est dit « confiant » que les deux pays « resteront des alliés et des partenaires stratégiques pour les générations à venir ».

En attendant, le Maroc ne reconnaît pas l’accord conclu entre Israël et les Émirats arabes unis sous la médiation des États-Unis. Sa Majesté le Roi Mohammed VI du Maroc a déclaré que « toutes les tentatives de miner le statut de Jérusalem sont inacceptables ». Les émissaires de Washington tentent d’ignorer ces « malentendus » pour mettre l’accent sur ce qui pourrait intéresser leur interlocuteur.

Ainsi, s’exprimant en Tunisie, Esper a ouvertement déclaré que « nos concurrents stratégiques, la Chine et la Russie, continuent d’intimider et de contraindre leurs voisins tout en étendant leur influence autoritaire dans le monde entier, y compris sur ce continent ». Bien entendu, le Maroc étant un royaume, Esper n’a absolument pas fait mention de l’autoritarisme lors de son discours dans le pays.

En Algérie, la visite s’est limitée à des négociations ; aucun document n’a été signé. Considérant que l’Algérie collabore depuis longtemps avec la Russie pour l’acquisition de divers types d’armes, voir un haut fonctionnaire américain testant l’eau de cette façon signifie une sérieuse tentative d’ingérence dans les questions de sécurité régionale. Étant donné la déclaration du nouveau président algérien, Abdelmadjid Tebboune, selon laquelle l’ancien régime n’existe plus, les États-Unis y voient une chance de rétablir les relations et d’asseoir leur influence.

Il convient de noter que Mark Esper s’est déjà rendu en Israël, où il a rencontré le ministre de la défense du pays, Benny Gantz, et a promis de maintenir toutes les priorités que les États-Unis ont traditionnellement maintenues pour Tel-Aviv en ce qui concerne les autres pays de la région.

En fait, immédiatement après la tournée éclair d’Esper, le dialogue quadrilatéral sur la sécurité (Quadrilateral Security Dialogue) a tenu une réunion à Tokyo du 4 au 6 octobre. Le Quad est composée des États-Unis, de l’Inde, de l’Australie et du Japon, et a été initiée en 2007 par le Premier ministre japonais Shinzo Abe lors d’une crise dans les relations avec la Chine. Aujourd’hui, l’agenda anti-chinois est de nouveau sur la table, mais il est désormais davantage promu par les États-Unis que par le Japon.

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De gauche à droite, le ministre indien des affaires étrangères  Subrahmanyam Jaishankar, son homologue la ministre australienne Marise Payne, Mike Pompeo et le ministre japonais des affaires étrangères Toshimitsu Motegi lors de la réunion à Tokyo du Quadrilateral Security Dialogue (6 octobre 2020).

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, qui a participé à la réunion, a déclaré que l’activité de plus en plus affirmée de la Chine dans la région la rendait plus importante que jamais pour les quatre pays de l’Indo-Pacifique. Il a également déclaré qu’il était « plus important que jamais que nous collaborions pour protéger nos peuples et nos partenaires de l’exploitation, de la corruption et de la coercition du PCC".

Alexander Neill, un analyste de la sécurité en Asie-Pacifique basé à Singapour, estime que le « véritable facteur décisif » du nouvel élan du Quad est l’adhésion de l’Inde. Il ajoute : « Ces dernières années, il y a eu beaucoup de spéculations sur le fait que le Quad devienne un organisme formalisé. Mais cela était freiné par l’Inde en particulier, qui est un pilier traditionnel du mouvement des non-alignés. Les États-Unis, d’autre part, ont été très cohérents avec leur message sous le président Donald Trump… Des actions coercitives de la Chine n’entraîneraient pas seulement son auto-isolement mais inciteraient des amis et des alliés aux vues similaires à se regrouper. Le quad en est une manifestation ».

Selon Neill, Pékin « accusera les États-Unis d’endiguement et de mentalité de guerre froide » et de former des alliances « pour réprimer l’ascension légitime de la Chine ».

La Chine a décrit le Quad comme une « clique exclusive » dont les actions visent des tiers.

Étant donné que l’Australie s’inspire généralement des États-Unis, une coopération plus étroite avec l’Inde constituera un défi tant pour ses voisins régionaux que pour la Russie, qui est un partenaire de longue date dans la fourniture de divers systèmes d’armes, entre autres. Avec le renforcement de la coopération entre l’Inde et les États-Unis, New Delhi se concentrera davantage sur les fournisseurs américains. Et la participation plus officielle de l’Inde au Quad ou à d’autres initiatives américaines serait symptomatique de l’effondrement du Mouvement des non-alignés.

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Le nouveau Premier ministre japonais serait confronté à un équilibre plus délicat. Tokyo constate une amélioration des relations avec Pékin, mais maintient également des liens étroits avec les États-Unis, l’Inde et l’Australie. Le 5 octobre, Yoshihide Suga a déclaré aux journalistes qu’il cherchera toujours à promouvoir « la vision d’un Indo-Pacifique libre et ouvert » et qu’il veut « construire des relations stables avec les pays voisins, y compris la Chine et la Russie ».

Si l’on ajoute la zone transatlantique représentée par le bloc de l’OTAN à ce cadre de coopération avec les pays arabes et nord-africains et au forum du Quad, on peut voir que les États-Unis tentent de construire un réseau d’alliances qui part de l’Atlantique occidental et passe par l’Asie et l’Afrique pour aboutir à l’Extrême-Orient. Cet axe coupe en deux l’île-monde (qui, selon Halford Mackinder, comprend l’Eurasie et l’Afrique) et touche au « Rimland » – une zone côtière qui a toujours attiré les stratèges américains.

Leonid Savin

Traduit par Hervé, relu par Wayan pour le Saker Francophone

mercredi, 11 novembre 2020

“Who will guard the guards?”; Emperor Marcus Aurelius, Mail-in Voter Fraud, and Repercussions for Europe

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“Who will guard the guards?”; Emperor Marcus Aurelius, Mail-in Voter Fraud, and Repercussions for Europe

by Tomislav Sunic

Ex: https://www.theoccidentalobserver.net

In analyzing the ballot fraud surrounding the latest US presidential election the name of the Roman poet and politician Juvenal comes to mind. His Satire VI, raises a fundamental political question surrounding political repression in the contemporary liberal System: Quis custodiet ipsos custodes? “Who will guard the guards?” In contemporary bidenesque English this rhetorical question, coined by Juvenal, in the first century, can be transliterated into: “Who will observe the ballot observers?” “Who will count the ballot counters?”

A century after the death of the poet Juvenal the Roman Emperor Marcus Aurelius, who combined the virtues of philosopher and soldier, faced the same dilemma. How to treat the defeated foe? By preaching tolerance and magnanimity, or by wielding the sword?  Despite his stoic awareness about the transience of all life on Earth, Aurelius knew that when fighting the barbarians, a free man cannot live by books alone — he also needs a solid sword, or in the case of the USA he needs the Second Amendment. Unlike many of his predecessors Marcus Aurelius did not contemplate self-isolation in debauchery; nor did he hang around the hookers in ritzy parlors on the Quirinal Hill in Rome. He preferred the company of his soldiers who protected the northern and eastern borders of the empire in the turbulent second — borders that stretched in the north along the limes of the Drava river which now separate modern Hungary from Croatia. The Pannonian basin during the Aurelian times was under the constant onslaught of military intruders coming from the North and the East. Today this area has become anew a major route for new illegal intruders, i.e., Afro-Asian migrants heading toward the heart of Europe: Germany.

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Aurelius’ grandfather, the emperor Hadrian, a couple of decades earlier, waged also devastating wars in the shaky southern part of the empire — against revolutionary Jews in the Roman province of Judea. His legions killed and displaced more than half a million of them, thus leaving an indelible anti-European grudge in the Jewish collective memory. Worse, out of his resentment for rebellious Jews, Marcus Aurelius, in 130, changed the name of the city of Jerusalem into the city name of Aelia Capitolina. The morale of history? Each victor changes the toponomies of conquered lands and along with it he imposes his own political narrative.

Can we draw the parallel between Aurelius and Trump? Both the USA and Europe are facing today similar turbulent scenarios where peoples of European ancestry will soon have to make a choice: how to preserve their racial and cultural identity in the face of the coming migrant storms. The present turmoil in the USA is just a natural follow-up to the great racial replacement that has been going on over the last 70 years, both in the United States and Europe.

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The present Covid virus is only a small part of a “narrative history” – or “history of the event”—which the French call l’histoire évènementielle, i.e., a slice of history solely focusing on one single and separate event. Such an isolated historical event, e.g., the Covid shutdown, is relatively unimportant unless it becomes a factor speeding up a larger flow of history. The Covid scare is already going viral, forcing all EU/US politicians to reexamine a larger stretch of their historical memory, going back to 1945.  Undoubtedly, four years of President Trump’s slamming the mainstream media for spreading fake news has significantly undermined the intellectual and diplomatic narrative of the post-WWII Order. Many myths and mendacities imposed upon Europe and Whites in the aftermath of 1945, thanks to Trump’s presidency, have now fallen apart. Trump’s foes in Europe and the US do not like this.

After WWII, and especially after the end of the Cold War, the politics of Europe turned into a carbon copy of US policies. Whatever was going on in high politics in Washington DC had to be either copied or mimicked the next day by the political class in Berlin, Paris and Vienna, and the day after, all over eastern Europe. President Trump was the first US president in the last 75 years who seriously shook the foundations of the transatlantic liberal consensus. This is the reason why the Deep State in the EU and in the US resent him very, very much.  If America goes bust and starts breaking up tomorrow, the breakup of the EU will immediately follow suit.

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Changes in America have always had an impact on European politics. This is especially true of the German political class, which, over the last 75 years, has been grotesquely doubling down on US-inspired liberal globalist agenda for fear of being for fear of being accused of harboring revisionist and paleo-fascist sentiments. The insulting label of “fascism,” “racism” or “colonialism” keeps haunting paranoid politicians in Germany and in the rest of Europe, making them embrace the safe strategy of self-denial and forcing them to be more papal than the pope, i.e., more Americanized than Americans themselves. At the moment of this writing, it means that the entire political class in Germany and the EU must endorse president-elect Biden and his running mate Harris, irrespective of their likely own hidden pro-Trump sentiments.

Just as America is being balkanized at its extreme now between the supporters of Trump and supporters of the Deep State, so is Europe being polarized at its extreme between proponents of state sovereignty and proponents of globalism. The wartime years of 1941–1945 haven’t resolved anything. We are back again in the weimaresque and balkanesque  epoch, both in the USA and the EU. The winner-takes-all will soon change the political language and define thereafter his version of historical truth. If the American left gains the hegemony they so ardently desire — hegemony that is entirely within their reach, if not now, then certainly in the near future as demographics become even more decisive — it will be the end not just of the people and culture of traditional America, but of the entire West.

Recouvrer une souveraineté numérique

Jérôme Bondu

Ex: https://www.cercle-k2.fr

Jérôme Bondu est Directeur d’Inter-Ligere, Conseil en organisation de système de veille et d’intelligence économique, et auteur de "Maîtrisez internet… avant qu’internet ne vous maîtrise", Ed. VA Presse.

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Un article du 16 octobre des Échos explique que "la Chine érige l’autosuffisance technologique en priorité". Bonne nouvelle. Enfin, pour eux… Pas pour les Européens qui peinent à prendre le taureau numérique par les cornes. Rentrons donc dans l’arène numérique, et essayons de rappeler quelques fondamentaux sur le concept de "souveraineté numérique" : quelle est l’intérêt de cette dynamique ? Quelles sont les forces en présence ? Quelles perspectives pouvons-nous envisager ?

Quel est l’intérêt de la souveraineté numérique ?

Pour prendre la mesure de cette dynamique, il nous faut prendre un peu de recul. 100 000 ans semble un bon point de départ.

Nous vivons actuellement la 5ème révolution informationnelle. Si c’est la cinquième, c’est qu’il y en a eu quatre autres. Nous pouvons en effet considérer que la première a eu lieu il y a entre 100 000 et 50 000 ans et a apporté le langage articulé à nos lointains ancêtres. Selon Noah Yuval Harari, auteur de "Sapiens", ils y ont gagné la capacité à construire des mythes fédérateurs. Ces histoires communes ont assuré la cohésion des communautés humaines, décuplé leur force de frappe et permis in fine la domination de l’homo sapiens sapiens sur les autres animaux. La seconde, il y a environ 5000 ans, a apporté l’écrit, qui a permis à un souverain d’administrer de vastes territoires, impossibles à gérer avec la seule oralité. On y voit la naissance des grands empires. La troisième, il y a 500 ans, a apporté l’imprimerie et le papier, toutes deux nées en Asie, mais qui se sont épanouies en Europe. Avec ces deux innovations, les savoirs et les connaissances ont circulé plus rapidement et irrigué très largement le continent européen. Sa domination sur le reste du monde entre les 15ème et 20ème siècles en est, en partie, l’héritage. La quatrième révolution, débutée il y a environ 150 ans, voit l’électrification des outils de communication : télégraphe, radio, téléphone, télévision vont ajouter l’instantanéité et bouleverser les positions géopolitiques, culturelles, sociales ! Au regard des impacts des quatre révolutions précédentes, on peut facilement prévoir que cette cinquième révolution, celle du numérique, aura un impact fondamental sur nos vies. Il faut donc se mettre dans la posture d’un monde qui va être remodelé. Mais remodelé comment ?

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Le numérique va investir tous les espaces de notre vie. Il l’a déjà fait déjà profondément et la crise du Covid a enfoncé plus profondément le sillon digital dans le champ de nos habitudes. Et ce n’est que le début. Projetons-nous dans une génération, quand les enfants d’aujourd’hui seront aux manettes. Cet exercice de pensée nous permet d’entrevoir que tout passera par le numérique. Et que dire alors, si l’on se projette dans deux ou trois générations !

Or, cet espace est actuellement pratiquement totalement phagocyté par nos amis (hum) américains. Non pas parce qu’ils ont invité internet et le web (ce serait faire injure aux Européens qui y ont contribué, Louis Pouzin, Tim Berners-Lee, Robert Caillaux ou Linus Torval) mais parce que nous n’avons pas compris ce qu’il se passait. Les Chinois, qui ont une vision long terme, ont fait, eux, un tir de barrage beaucoup plus efficace. Si l’on peut s’étonner du système de crédit social chinois, on peut aussi s’émerveiller de leur capacité à construire un espace numérique souverain.

La souveraineté numérique peut donc être comprise comme la volonté de maîtriser cette cinquième révolution informationnelle, la volonté d’en maîtriser les impacts et de bénéficier de ses gains. Et la certitude que l’abandon de toute maîtrise entraînera un déclassement irrémédiable de l’Europe. Cela représente ni plus ni moins un enjeu de civilisation, avec ses facettes sociales, économiques, politiques ou culturelles.

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Quelles sont les forces en présence ?

Devant l’évidence du constat, l’énormité des enjeux, on ne peut qu’être saisi de stupéfaction devant l’inertie ambiante. Car il faut bien le dire, la souveraineté numérique ne fait pas vibrer les foules. Découpons justement les foules en quatre catégories, et voyons pourquoi rien ne se passe.

  • Partageant mon activité entre du conseil en organisation en système de veille et d’intelligence économique pour les entreprises et la formation, j’ai le plaisir de côtoyer régulièrement des étudiants en écoles de commerce et d’ingénieur. Les réactions des jeunes face à un discours structuré et étayé sur la souveraineté numérique s’articulent comme suit. Extraits : "C’est pas vrai, vous en rajoutez", suivi par "De toute façon, je n’ai rien à cacher", pour continuer avec "On a tous à y gagner", et enfin "C’est trop tard pour réagir !". Voilà pour la catégorie des jeunes adultes. Je détaille cela dans mon dernier ouvrage "Maîtrisez internet… avant qu’internet ne vous maîtrise" !
  • Passons à un autre acteur que l’on pourrait croire plus résilient, l’administration ! Rien ne semble fait pour promouvoir les solutions françaises et européennes. Et la décision récente d’attribuer à Microsoft le stockage de nos données de santé en est un bel exemple. Le fait d’appeler cela le "health data hub", en bon français dans le texte, est déjà en soi un signe de soumission à faire hurler le Général de Gaulle et faire pleurer nos amis québécois. La messe n’est pas dite, car certains acteurs, tels Thierry Breton ou Bruno Le Maire, se montrent combattifs.
  • Les chefs d’entreprises veulent de l’efficacité court terme et, vu la conjecture, on les comprend. Les DSI veulent des solutions pérennes et ayant prouvé leur solidité. Et on les comprend aussi. Sauf qu’à ce jeu-là, c’est Microsoft, Amazon ou Google qui gagnent à tous les coups. Le petit monde de la french tech cherche bien une place au soleil. Et une partie d’entre eux est sensibilité à la souveraineté numérique. Mais, mis à part quelques initiatives comme celle récente de Pascal Gayat et d’Alain Garnier, il y a peu de lumière sur leurs offres.
  • Et la société civile ! Le grand public semble malheureusement avoir autre chose à faire. Il faut avouer que les temps sont durs pour une bonne partie de la population. L’épisode des gilets jaunes était une lutte pour la dignité. Demain, ce sera pour la sécurité. Après demain, pour se nourrir. Néanmoins, de belles surprises peuvent surgir, comme l’action du jeune autrichien Max Schrems qui a donné l’impulsion pour faire sauter le traité transatlantique de transfert des données personnelles "Privacy Shield", qui avait succédé au "Safe Harbor". Avec ces appellations, on nageait en pleine novlangue. Il nous en a délivré. Merci à lui.

On pourrait faire d’autres catégories, bien sûr, mais nous irions dans le même sens, sens qui est le résultat de l’influence et de la puissance des géants américains qui nous biberonnent de pains et de jeux dans le grand cirque numérique ! Panem et circenses ! Le combat est à peu près celui de David contre Goliath.

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Justement, en face des Goliaths, qui sont donc les David ? Des précurseurs comme Pierre Bellanger. Un bout de la french tech, déjà mentionnée plus haut. Une partie du monde informatique sensibilisé par Snowden est acquis à la cause, avec par exemple la Quadrature du Net. Quelques hauts fonctionnaires ou politiques, comme Bernard Benhamou, la députée Laure de la Raudière ou la sénatrice Catherine Morin-Desailly. L’IHEDN, qui porte une session souveraineté numérique où œuvre notamment le Général Wattin-Augouard. Des collectifs, comme Framasoft. Pour finir, la communauté à laquelle j’appartiens, celle des professionnels de l’intelligence économique, représentée par le Synfie. Ce n’est bien sûr pas exhaustif et les promoteurs oubliés me pardonneront. Ceci étant dit, on se compte sur les doigts de la main.

Quelles perspectives ?

Le bilan de la situation n’est donc pas vraiment positif. Et les perspectives peu réjouissantes. Olivier de Maison Rouge a déjà, dans ces mêmes colonnes, appelé à l’action. "Pour que l’Europe ne soit pas une colonie numérique la souveraineté numérique doit se traduire en actes". Il a tout à fait raison et connait mieux que d’autres les avancées politiques, économiques, juridiques en cours. Tout cela va dans le bon sens. Mais on aimerait que cela aille plus vite ! Et cette impatience est légitime.

"En même temps"… comme dirait notre président actuel, "il faut laisser le temps au temps", comme disait un ancien président. Nous avons commencé notre article par un rappel des différentes révolutions informationnelles. Il serait dommage de ne pas bénéficier de ce recul stratégique, de rabougrir notre vision à un instantané, de rester figé sur un polaroïd de la pensée. Est-ce parce que l’écriture est née en Mésopotamie que la France n’a pas de bons écrivains ? Est-ce parce que l’impression est née en Allemagne que la France n’a pas de bonnes maisons d’édition. Le téléphone et la télévision n’ont-t-ils pas servi tout le monde en dehors de leurs pays de naissance ?

Nous trouverons bien le chemin qui permettra à l’Europe de prendre sa place dans le concert des acteurs du numérique. Et internet est une si grande et si belle révolution. Il n’est pas question de la gâcher alors qu’elle vient de naître. Nos contemporains ont une chance historique à pouvoir influer, même de manière minimale, sur le devenir d’un monde nouveau. On ne vit pas tous les jours les prémices d’une révolution ! Soyons les dignes promoteurs d’un monde nouveau désirable.

Jérôme Bondu

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Dans le cadre de cet article, je me suis livré à une petite analyse documentaire sur les précédents articles du Cercle K2 qui évoquaient la souveraineté numérique. J’ai trouvé 5 articles (sur 482 articles actuellement publiés).

https://www.cercle-k2.fr/etudes/pour-que-l-europe-ne-soit... - Article d’Olivier de Maison Rouge consacré entièrement à la souveraineté numérique.

https://cercle-k2.fr/etudes/l-action-cyber-russe-au-servi... - L’article de Jamel Metmati et Thierry Berthier présente le rôle du moteur de recherche russe Yandex dans la recherche d’une souveraineté sur les données.

https://www.cercle-k2.fr/etudes/strategie-et-reseaux-dans... - Jamel Metmati traite de la stratégie et les réseaux dans la conduite des opérations militaires et cite la souveraineté numérique en conclusion.

https://www.cercle-k2.fr/etudes/impact-de-l-intelligence-... - Pascal Gentil mentionne une fois l’indépendance numérique.

https://www.cercle-k2.fr/etudes/le-cocktail-detonnant-de-... - Article que j’ai eu le plaisir d’écrire, sur notre dépendance au numérique et son impact dans les affaires en Afrique.

dimanche, 08 novembre 2020

Il y a beaucoup à apprendre de la séquence de changement de régime anti-Trump

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Il y a beaucoup à apprendre de la séquence de changement de régime anti-Trump

Par Andrew Korybko

Source Oriental Review

La séquence d’événements visant à un changement de régime, qui a conduit à la récente tentative manifeste de renverser le président sortant des États-Unis, en usant de méthodes superficiellement « démocratiques » mérite qu’on l’examine ; bien comprendre le déroulement de ce complot nous permettra d’identifier et d’enrayer de manière préventive des tentatives semblables en d’autres points du globe, avant qu’elles n’atteignent un tel stade.

Y a-t-il quelqu’un qui comprenne vraiment ce qui est à l’œuvre ?

J’ai écrit mercredi que « Tout démocrate est un dictateur en herbe », mais nombre de ces tyrans potentiels ne comprennent pas eux-mêmes pleinement la dynamique du procédé de changement de régime qu’ils soutiennent. Et pour ce que cela vaut, nombre de patriotes, ou d’observateurs dotés de principes qui s’y opposent ne la comprennent pas non plus. Chacun se contente de tenir ses positions de principe, soit parce que cela sert ses intérêts politiques, comme le font des supporters, ou pour éviter un conflit avec ses propres principes. Dans tous les cas, chacun mérite de mieux comprendre ce qui est en marche ; le présent article expose une simple séquence d’événements qui permet de comprendre comment ce processus de changement de régime s’est déroulé au cours des quatre dernières années. Ce qui pourra en ressortir permettra, on peut l’espérer, à d’autres d’identifier des scénarios de changement de régime similaires encore en incubation, et permettra aux autorités responsables de mener des actions pour les faire avorter avant qu’elles n’atteignent leur stade de maturité.

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Aux origines de ces pratiques

Les graines de ces pratiques furent mises en terre plusieurs mois avant l’élection de 2016, lorsque Hillary Clinton permit qu’une campagne de diffamation fût lancée contre Trump, affirmant qu’il était un « agent russe » sous le manteau. Les instigateurs espéraient que cela pourrait suffire à discréditer le maillot jaune de la course, et à laisser Hillary prendre le pouvoir au mois de novembre 2016. Cette tentative muta ensuite pour devenir le « dossier Steele », invalidé depuis, ainsi que la théorie du complot du Russiagate qui s’ensuivit. L’objectif de ces provocations, qui relevaient pleinement de pratiques de guerre de l’information, était de délégitimer l’accession au pouvoir de Trump, de présenter faussement les Démocrates comme des gardiens de l’intégrité électorale des États-Unis, et ainsi de façonner profondément les perceptions du grand public en amont des élections de 2020. Dans l’intervalle, un récit correspondant est apparu, relevant lui aussi de la guerre de l’information, affirmant que Trump serait un criminel corrompu, et un dictateur en herbe, qui s’accrocherait au pouvoir à tout prix.

Les Démocrates dérivent les soupçons par anticipation

L’intention sous-jacente à cette affirmation était de pré-conditionner le grand public à s’attendre à ce que Trump fasse appel à des méthodes de prise de pouvoir illégales s’il perdait les élections à la régulière. Ce scénario avait été implanté dans les esprits, les Démocrates ayant passé quatre années à se présenter faussement comme des gardiens de l’intégrité électorale des États-Unis, du fait de leurs croisades du Russiagate, puis de l’Ukrainegate, à présent démystifiées. L’objectif de tout ceci était de dériver par avance tout soupçon quant au fait qu’ils préparaient ce que l’on peut présenter comme la plus grande tricherie électorale de toute l’histoire des États-Unis ; même si les moyens qu’ils avaient prévu d’employer pour ce faire ont changé du fait de la pandémie de COVID-19 et ont été réadaptés : il n’était pas question pour eux de rater cette formidable opportunité. Car tel était bien l’objet de très nombreux votes par correspondance, injectés dans un système qui n’était manifestement pas du tout prêt à les gérer.

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L’exploitation politique de la pandémie de COVID-19

Comme je l’ai écrit dans mon analyse récente « Les connexions entre la guerre mondiale du Coronavirus & les processus psychologiques sont très préoccupantes », la COVID-19 est bien réelle, et présente un vrai risque pour les membres à risque de la population, mais il ne fait aucun doute qu’elle se trouve également exploitée à des fins politiques, comme le démontre le deux poids, deux mesures pratiqué par les gouverneurs Démocrates en matière de confinement. S’ils croyaient réellement que la COVID-19 était aussi mortelle pour la majorité de la population que cela a été exposé par certains experts, ils n’auraient pas risqué l’élimination de leur électorat en l’encourageant à brûler, piller, se déchaîner et même assassiner de manière gratuite en quelques occasions dans les grandes métropoles qu’ils dirigent, sous les bannières Antifa et « Black Lives Matter » (BLM). Cette phase cinétique de guerre hybride terroriste qui dure depuis des décennies aux États-Unis visait à intimider les Étasuniens moyens.

« Vague rouge » contre « vague bleue »

Mais, chose toute aussi importante, leur application sélective d’un confinement draconien à l’encontre des gens d’opinions politiques divergeant des leurs – comme les soutiens de Trump – a constitué une tentative guère convaincante de maintenir l’illusion que des votes par correspondance massifs étaient nécessaires pour « sauver des vies face à la COVID ». Rares sont ceux qui croient vraiment que tel est vraiment le cas, car le flagrant deux poids, deux mesures des Démocrates démontre que la pandémie a été complètement politisée afin de justifier un afflux massif de votes par correspondance dans un système électoral qui n’est pas du tout prêt à les gérer. C’est ainsi que les Démocrates ont soigneusement préparé le terrain, en prédisant au cours de l’été que le gagnant de l’élection pourrait ne pas être connu le jour-même, et en rejetant d’avance tout signe précurseur d’une « vague rouge » amenant à la ré-élection de Trump : au contraire, les gens ont été amenés à croire, à tort, qu’une « vague bleue » allait inévitablement suivre, pour écraser la première.

Établir les liens

Voilà qui fut une pratique particulièrement sournoise, du point de vue de la gestion de perceptions, car elle servit d’avance à couvrir leurs traces dans l’esprit de l’électeur moyen, qui aurait sans cela immédiatement soupçonné des tricheries électorales au moment du déroulé de ce scénario. En lien avec le récit antérieur, selon lequel Trump serait un criminel corrompu et un dictateur en herbe qui s’accrochera à tout prix au pouvoir, l’impression a été fabriquée dans de nombreux esprits que toute action réprobatrice menée par Trump pour s’opposer contre cette séquence allait forcément indiquer que c’était lui – et non pas les Démocrates – qui essayait de tricher. S’il n’y avait pas eu la COVID-19, et la politisation par les Démocrates de cette pandémie pour justifier quelque 100 millions de votes par correspondance, leurs tentatives programmées de détourner l’élection n’aurait pas été si réussie, ou convaincante. Mais même ainsi, le caractère flagrant de leur deux poids, deux mesures en réponse au confinement a amené de nombreuses personnes à se poser des questions quant à leurs motivations.

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La censure pratiquée par les géants technologiques

Il y a tant de gens qui entretiennent des soupçons quant aux événements en cours, que les alliés des Démocrates que sont les géants technologiques ont dû mener au lendemain de l’élection une vaste campagne de censure pour bloquer les comptes et les pages qui encourageaient les Étasuniens préoccupés par ce sujet à exprimer pacifiquement leur droit constitutionnel de se rassembler pour soutenir Trump, dans le respect des lois en vigueur. Pour en citer un exemple, le site OneWorld a été débranché dans les heures qui ont suivi la publication de mon article publié sous le titre « Le moment est venu de faire usage de stratégies de ‘sécurité démocratique’ pour #MettreFinAuVol », qui suggérait que soient menées exactement ce type d’actions ; cela en dit long quant au puissant rôle que les gérants des réseaux sociaux ont pris dans la conduite et dans les suites de l’élection. Ils ont non seulement fait disparaître pratiquement tous les articles signalant le scandale de corruption de Hunter Biden – qui semble bien impliquer Joe Biden lui-même – mais voici qu’ils suppriment également activement en ce moment la liberté qu’ont les Étasuniens de se rassembler.

« La trinité impie »

Cela n’a pas non plus été une coïncidence ; ces actions résultent de l’alliance entre les géants technologiques et les Démocrates, et leurs soutiens au sein des administrations permanentes militaire, de renseignement, et diplomatique –  « l’État profond ». Chacun de ces trois segments a véritablement conspiré avec les deux autres pour manipuler les perceptions que se font les Étasuniens du candidat sortant et du processus électoral. En outre, cette « trinité impie » soutient également la propagation depuis six mois d’un terrorisme urbain déclenché par leurs milices Antifa et BLM, en réponse à leur propre exploitation politique de l’incident George Floyd. Comme dans l’affaire des votes par correspondance, il n’est pas évident de savoir si cette phase de la guerre hybride aurait été activée sans la COVID-19, mais en tous cas, les deux phénomènes ont été politisés à l’extrême pour servir la stratégie de changement de régime susmentionnée.

Tout s’est déroulé comme prévu

Dans la nuit qui a suivi l’élection, tout s’est produit sans accroc, de leur point de vue. La « vague rouge » pro-Trump a déferlé sur les États les plus disputés, mais a ensuite été repoussée par la « vague bleue » découlant de millions de votes par correspondance, et les médias dominants essayent de faire croire à tout le monde qu’ils étaient presque tous en faveur de Biden. Non seulement l’improbabilité d’une telle idée frise-t-elle le ridicule, mais elle a en plus fait suite à une suspension douteuse du processus de comptage des voix, pour une durée de plusieurs heures, dans les États les plus décisifs qui n’avaient pas encore déclaré de vainqueur. Comme prévu, Trump a condamné cette tricherie flagrante, et a agi ce faisant comme la fausse image du criminel corrompu et dictateur en herbe qui ne s’arrêtera devant rien pour s’accrocher au pouvoir qui avait été implantée dans de nombreux esprits. Même si Trump remporte une victoire légale, et finit par remporter cette élection, sa légitimité est déjà mise en question.

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Le scénario « du pire » fomenté par les Démocrates

Dans le « pire scénario » préparé par les Démocrates, ils n’auraient qu’à intensifier leur vague de terreur de guerre hybride cinétique contre les États-Unis, en encourageant leurs milices de rues Antifa et BLM à déclencher une campagne de terrorisme urbain plus sophistiquée, sous prétexte de « résistance antifasciste légitime à un dictateur raciste qui a illégalement volé l’élection ». Il ne faut pas oublier que des campagnes terroristes semblables furent menées contre le président Assad, en Syrie, et contre l’ancien dirigeant libyen, Khadafi, sous des prétextes « pro-démocratie » presque identiques, ce qui témoigne du fait que les Démocrates ont laissé leurs empreintes sur tout ce qui est en train de se produire actuellement aux États-Unis, et qui promet d’être déclenché dans le « pire scénario » établi par les Démocrates si leur tentative de tricherie est enrayée – peut-être par la Cour Suprême elle-même.

Conclusions

La séquence d’événements qui a culminé dans la tentative de coup d’État « démocratique » encore en cours est très complexe, elle implique également de nombreux autres éléments qui ont dû être simplifiés pour produire la présente analyse, mais cet article souligne les tendances les plus importantes en cours, auxquelles chacun devrait porter attention. Le résultat de cette lutte sans précédent pour le pouvoir sur la puissance unipolaire en cours de déclin reste incertain, car il s’agit là de zones totalement inexplorées pour ce pays. Néanmoins, comprendre comment tout s’est déroulé pour en arriver là pourrait aider d’autres peuples à identifier des desseins semblables par avance, et à les éteindre en phase embryonnaire, avant qu’ils ne dégénèrent en un désastre anti-démocratique tel que celui qui frappe à présent les États-Unis. Si l’on prend en compte le fait que les États-Unis restent à la pointe des tendances au niveau mondial, il faut donc s’attendre à ce que cette méthode de changement de régime soit employée un peu partout dans le monde à l’avenir.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí, relu par jj pour le Saker Francophone

samedi, 07 novembre 2020

Conflit du Haut-Karabakh: pour y voir plus clair

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Conflit du Haut-Karabakh: pour y voir plus clair
 
par John Helmer
via Facebook
 
L'analyse de John Helmer - excellent et honnête spécialiste de la Russie et de son environnement ex-soviétique - sur le conflit en cours entre Arméniens et Azéris. Selon lui, "L'Arménie a perdu la guerre d'octobre avec l'Azerbaïdjan en raison de ses échecs en matière de renseignement sur le champ de bataille, de défenses obsolètes et des erreurs de calcul politiques du Premier ministre Nicol Pachinian. Ses seuls alliés sont maintenant les montagnes et le climat." Ce point de vue est partagé par la plupart des spécialistes russes de la défense.
 
C'est le consensus auquel sont parvenus cette semaine les principaux analystes militaires de Moscou. "Pendant la période du premier ministre Nikol Pashinyan", a rapporté mardi Vzglyad l'évaluation de l'état-major général russe, "trois chefs des services de renseignement ont été remplacés, et l'un d'entre eux n'avait aucune compétence et était une personne occidentale nommée pour des raisons purement politiques. Tout cela s'est accompagné d'une rhétorique interne anti-russe, multipliée par l'arrogance nationale. Certains dirigeants du Haut-Karabakh ont dit des choses comme "nous n'avons pas du tout besoin des Russes, nous pouvons aller à Bakou à pied sans vous".
 
"De plus, au cours des six derniers mois, à l'état-major général de l'Arménie, il y a eu un licenciement massif d'officiers qui avaient été formés à Moscou."
 
"Il est probablement temps que de véritables purges aient lieu au sein du gouvernement", avait annoncé M. Pashinyan en avril. Selon l'évaluation russe, Pashinyan a ensuite commis l'erreur classique du novice nerveux : il a renforcé la garde de son palais contre les Arméniens rivaux, mais a sous-estimé son ennemi azéri traditionnel et a maintenant perdu le contrôle du territoire.
 
La riposte arménienne est que les analystes de Moscou qui disent cela "reçoivent de l'argent de la Turquie et de l'Azerbaïdjan".
 

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"Pourquoi l'armée arménienne était-elle plus faible et quelles erreurs a-t-elle commises lors de la préparation des opérations de combat", a rapporté Evgeni Krutikov, l'analyste militaire de Vzyglyad qui a des liens étroits avec les renseignements militaires russes. "Le 27 octobre est la date significative, puisque le rythme de l'offensive de l'armée azerbaïdjanaise a été calculé pour ce mois. Ces rythmes n'ont pas été respectés, et dans certains domaines, ils ont même échoué. Les principales tâches politiques pour Bakou n'ont pas non plus été résolues".
 
"Néanmoins, les forces armées azerbaïdjanaises ont obtenu un certain nombre de succès, ont brisé la ligne de défense dans le Haut-Karabakh et ont avancé de plusieurs dizaines de kilomètres. Le samedi 24 octobre, la défense des forces arméniennes dans le secteur sud du front ne tenait plus qu'à un fil et aurait pu être détruite avec des conséquences désastreuses pour l'Arménie. Cela ne s'est pas produit, mais la situation elle-même a donné raison de parler de la défaite stratégique des troupes arméniennes. Bien que ces arguments aient été prématurés, les résultats du premier mois de guerre ne sont pas très encourageants pour l'Arménie et le Haut-Karabakh (NKR)".
 
"Si vous regardez la carte de la région, la direction principale d'une éventuelle frappe de l'Azerbaïdjan sur la NKR ressemble à la zone centrale le long du fleuve Karkarchay [Karkar]. Il suffit de passer directement par les ruines d'Aghdam jusqu'à Khojaly et ensuite jusqu'à Stepanakert. C'est dans cette zone que la principale ligne de défense des Arméniens a été organisée pendant un quart de siècle. Mais c'est dans le secteur central que les Azerbaïdjanais n'ont même pas essayé d'imiter l'offensive. Il y a un intense duel d'artillerie sur ce front, mais rien de plus. Mais le côté arménien est obligé de maintenir constamment des forces importantes dans le secteur central, qui dans un autre scénario pourraient être utilisées, par exemple, pour organiser des poches dans le Sud".
 
Selon l'analyse approuvée par l'état-major général russe, la première grande erreur des Arméniens a été l'échec des services de renseignement qui ont sous-estimé l'efficacité de la combinaison des forces azerbaïdjanaises de missiles et de roquettes à drones hautement mobiles avec des obusiers à longue portée. "L'Arménie et la NKR auraient dû penser à ce qui se passait pendant l'été, lorsque des escarmouches sporadiques ont commencé presque tout le long de la ligne de front.... L'Azerbaïdjan a progressivement formé deux corps de choc, qui ont rassemblé les éléments les plus prêts au combat de toute l'armée, y compris des parties de la réserve profonde. Des entrepôts ont été construits plus près de la ligne de contact, et le système d'approvisionnement en carburant a été fourni. Tout cela pouvait être vu simplement à l'aide de jumelles, sans avoir recours à des manipulations complexes du renseignement".
 

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"En outre, les renseignements arméniens n'ont pas informé les dirigeants politiques du pays de l'évaluation correcte des armes, de leur quantité et des raisons pour lesquelles l'Azerbaïdjan les a achetées. Sur la base de l'analyse de ces achats, l'Arménie et la NKR auraient pu construire un modèle de tactique militaire que Bakou se préparait à utiliser, et organiser la contre-attaque. Tout d'abord, cela concerne les drones importés (UAV) et l'artillerie automotrice soutenant les groupes tactiques de bataillons (BTG) en progression. Cela suffirait à l'armée arménienne pour comprendre ce qui est prévu de l'autre côté du front".
 
La Russie n'a pas confirmé les rapports occidentaux selon lesquels des contre-mesures électroniques de l'armée russe (ECM) ont été déployées pour aider la partie arménienne à neutraliser le drone azerbaïdjanais.
 
La deuxième grande erreur des Arméniens a été de présenter des unités de défense aérienne obsolètes, à point fixe et en nombre insuffisant, adéquates contre une attaque aérienne habitée du côté azéri, mais "inutiles" contre les drones israéliens et turcs. "Il n'y a tout simplement pas assez de systèmes de défense aérienne dans la NKR, et il y a de très, très nombreux drones en Azerbaïdjan. La partie arménienne sur le terrain subit de lourdes pertes du fait des actions des drones, d'autant plus que les Azerbaïdjanais ont délibérément assommé les positions des systèmes de défense aérienne arméniens avec des missiles et de l'artillerie à longue portée... Pour quelle raison Erevan n'a pas pris la peine de rééquiper le système de défense aérienne et de créer son propre groupe de drones, c'est une question plus psychologique que purement militaire".
 

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L'obsolescence des équipements de combat arméniens reflète également leurs tactiques de combat dépassées. "Le système de défense de la NKR était basé sur plusieurs lignes fortifiées consécutives, dont la plus avancée dans les secteurs du centre et du sud a été construite dans les années 1990 dans la zone des plaines, dans le cadre d'une ceinture dite de sécurité. Cette défense a bien fonctionné pendant 25 ans. Mais en un quart de siècle, l'Azerbaïdjan et son armée ont beaucoup changé. Mais rien n'a changé au Karabakh et en Arménie, y compris dans leur perception de la réalité militaire. Dans la nouvelle situation, il était nécessaire de tenir la zone des plaines de la ceinture de sécurité par d'autres mesures et méthodes. Sinon, la perspective de perdre Jebrail, Fizuli, Hadrut, Zangelan et Kubatly était visible à l'œil nu. C'est ce qui s'est passé à la fin".
 
"Maintenant, les troupes azerbaïdjanaises dans le secteur sud ont atteint la deuxième ligne de défense et samedi dernier, elles menaçaient de manière critique le "couloir de Lachin" - c'est la principale route d'approvisionnement en provenance d'Arménie. La perte de Lachin, qui se trouvait à 10 à 15 kilomètres en ligne droite pour les Azerbaïdjanais, aurait été un véritable désastre stratégique pour les Arméniens. En outre, la perte d'un territoire important dans le sud en ce moment signifie de graves problèmes politiques et une défaite morale pour l'Arménie. C'est l'avancée dans le sud que Bakou peut enregistrer comme sa principale victoire et sa principale réalisation politique après un mois de combats au Karabakh".
 

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La route du couloir de Lachin - à gauche, Wikimapia, 2018 ; à droite, photo d'un drone du ministère de la défense de l'Azerbaïdjan. https://en.axar.az/
 
Cependant, depuis le week-end dernier, lors des derniers combats dans les gorges et les montagnes du couloir de Lachin, cette combinaison d'armes azerbaïdjanaises est inadéquate. "Parfois, même les méthodes primitives de protection dans les montagnes sont très efficaces. Par exemple, dans les gorges autour de Lachin et de Shusha, des câbles d'acier sont tendus depuis la fin des années 1990, ce qui exclut complètement l'utilisation d'avions d'assaut ou de drones dans ces zones".
 
L'évaluation de Moscou attribue la défaite militaire des Arméniens sur le terrain à la stratégie anti-russe de Pashinyan depuis son arrivée au pouvoir en mai 2018. C'était une opération, a-t-il déclaré à la presse américaine de l'époque, qui n'avait "aucun contexte géopolitique pour notre mouvement, notre révolution de velours".
 
"Au cours de l'année dernière, l'armée arménienne a perdu le contact avec Moscou, et tous les contacts dans le domaine du renseignement entre les deux pays ont été réduits - et cela a été fait à l'initiative de la direction politique de l'Arménie. Sous la présidence de Nikol Pashinyan, trois chefs des services de renseignement ont été remplacés, et l'un d'eux n'avait aucune compétence et était un représentant occidental purement politique. Tout cela s'est accompagné d'une rhétorique interne anti-russe, multipliée par l'arrogance nationale...De plus, au cours des six derniers mois, à l'état-major général de l'Arménie, il y a eu un licenciement massif d'officiers qui avaient été formés à Moscou. La raison apparente de ce licenciement est le mariage de la fille du chef de l'état-major général, qui aurait "enfreint les règles de conduite dans la pandémie de coronavirus".
 

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La justification de Pashinyan pour le licenciement du général Artak Davtyan a été annoncée le 8 juin. Dans le même temps, il a également licencié les chefs de la police et de l'administration de la sécurité nationale. Cela, selon l'évaluation russe, a laissé Pashinyan à la tête d'un système de commandement et de contrôle qui était creux. Le président de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, a vu l'opportunité de frapper. "Il semble que l'état-major arménien n'avait pas du tout de plan de mobilisation, ou alors il souffre d'un certain nombre de caractéristiques étranges. Pour la défense de la "forteresse de montagne", quarante à soixante mille personnes sont vraiment suffisantes, mais ce n'est clairement pas suffisant pour l'organisation d'une défense mobile. Les Arméniens se comportent de manière passive, se contentant de repousser les menaces dès qu'elles se présentent".
 

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A gauche : le président Ilham Aliyev en visite de première ligne en novembre 2016. A droite, le 5 septembre 2020, le général Artsak Davtyan à Stepankert, capitale de l'Artsakh, le territoire du Haut-Karabakh sous domination arménienne. "J'estime que la situation est stable et calme. Dans le même temps, je suis convaincu que les forces armées sont prêtes à tout moment à accomplir les tâches qui leur sont confiées", a déclaré Davytan.
 
"La partie azerbaïdjanaise (et les Turcs derrière elle) ont une initiative opérationnelle complète", a rapporté Vzglyad hier. "Ils peuvent se permettre de redéployer des forces sur toute la ligne de front, de former de nouveaux groupes, de reconstituer les réserves et de lancer de nouveaux plans. Les Arméniens, ayant perdu la plupart de leur "ceinture de sécurité" dans le sud, ne peuvent plus penser à des opérations contre-offensives. En particulier pour regagner le territoire perdu au cours du mois dernier. En général, il s'agit bien sûr d'une impasse militaro-stratégique pour l'Arménie et la NKR. L'Azerbaïdjan utilisera le répit politique pour le redéploiement, le réapprovisionnement des unités et l'élaboration de nouveaux plans offensifs. Les Arméniens ne sont plus prêts que pour une défense passive".
 
Selon le registre du Kremlin, cette année, le président Vladimir Poutine a eu sept conversations téléphoniques avec Pashinyan. Après le début de la guerre le 27 septembre, il y a eu quatre appels, chacun à l'insistance de Pashinyan. Poutine a refusé de rejeter la faute sur les dirigeants de l'Azerbaïdjan ou sur les Turcs pour leur soutien à Aliev. Le communiqué du Kremlin fait état de l'accord de Poutine avec Pashinyan sur leur "sérieuse préoccupation concernant les informations reçues sur l'implication dans les hostilités de militants d'unités armées illégales du Moyen-Orient".
 
Pashinyan a cessé de téléphoner à Poutine après le 5 octobre. A ce moment, Poutine "insistait sur la nécessité urgente d'un cessez-le-feu". Poutine a ensuite délégué la conversation au ministère des affaires étrangères.

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Le ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov s'est entretenu à plusieurs reprises par téléphone avec le ministre arménien des affaires étrangères Zohrab Mnatsakanyan, et leur homologue azerbaïdjanais Jeyhun Bayramov. Ils se sont également rencontrés directement à Moscou le 9 octobre, puis à nouveau directement mais séparément les 20 et 21 octobre.
 
Négociations directes à Moscou le 9 octobre entre (de gauche à droite) le ministre azerbaïdjanais des affaires étrangères Jeyhun Bayramov ; Sergueï Lavrov et le ministre arménien des affaires étrangères Zohrab Mnatsakanyan. Le ministère de M. Lavrov n'a publié aucun communiqué après la session de six heures.
À gauche, le ministre arménien Mnatsakanyan avec Lavrov à Moscou, le 12 octobre.
 
A Moscou le 12 octobre, après sa rencontre avec Mnatsakanyan, Lavrov a souligné le rôle de médiateur impartial de la Russie au niveau diplomatique, mais aussi sur le champ de bataille : "Quant à la poursuite de la participation de la Russie au processus de règlement, nous y participerons activement, à la fois comme l'un des trois coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE et simplement comme un allié proche et un partenaire stratégique de nos voisins. Je pense que notre veille commune de la nuit, qui a produit un document très important, n'a pas été vaine et que nous serons encore en mesure de surmonter la situation "sur le terrain" très bientôt. En tout cas, nous sommes aussi intéressés par cette question que les parties en conflit "sur le terrain" le sont".
 
Le même jour, le ministre russe de la défense, Sergei Shoigu, s'est entretenu par téléphone avec le ministre turc de la défense, Hulisi Akar. Le communiqué de presse publié à Moscou indiquait que Shoigu avait parlé de "stabilisation" ; c'était un avertissement aux Turcs de ne pas intensifier leur présence sur le champ de bataille, que ce soit avec leurs représentants syriens ou avec le personnel militaire turc. Shoigu a ensuite pris contact avec ses homologues de Bakou et d'Erevan pour discuter de leur volonté d'accepter un rôle russe dans la mise en œuvre et le respect d'un mécanisme de cessez-le-feu. Il n'y a toutefois pas eu d'accord et, dans les quinze jours qui ont suivi, les Arméniens ont continué à perdre du terrain.

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Lavrov a parlé plus souvent avec le ministre turc des affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu; en fait, cinq fois au cours du mois dernier. Lors de leur dernière conversation, le 27 octobre, ils ont convenu de "la nécessité d'assurer un cessez-le-feu durable entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan dès que possible". Les deux ministres ont souligné qu'il n'y a pas d'alternative à une résolution pacifique du problème, et ont appelé à un cessez-le-feu immédiat et à la reprise des négociations par le biais des mécanismes établis par le Groupe de Minsk de l'OSCE. Les parties ont spécifiquement noté que l'internationalisation de la crise par l'implication de combattants étrangers était inacceptable".
 
Igor Korotchenko, rédacteur en chef du magazine de la défense nationale à Moscou, confirme que les tactiques azerbaïdjanaises ont été couronnées de succès dans les plaines et les vallées, mais que leur progression s'est arrêtée dans les montagnes de Lachine. "Lachine a été un échec des Azéris. La raison principale était le terrain local. Les positions défensives bien préparées (pendant environ 20 ans) de l'armée arménienne dans les plaines ont été pénétrées par l'armée azérie, mais les montagnes sont devenues une grande difficulté pour eux, même pour les troupes spéciales. L'armée azerbaïdjanaise est la plus entraînée et la mieux préparée, en partie avec l'aide de la Turquie et de la Russie".
 
On a demandé à M. Korotchenko s'il pouvait confirmer que des systèmes russes de contre-mesures électroniques (ECM) comme le Krasukha ont été utilisés pour attaquer le Bayraktar. Selon ce rapport du 21 octobre, "des sources sur BulgariaMilitary.com du ministère russe de la défense affirment que depuis le début des hostilités au Nagorno-Karabakh, les systèmes russes de guerre électronique ont été mis en pleine capacité de combat, mais n'ont été utilisés que maintenant, car il n'y a pas eu une telle saturation de drones dans la zone de la base militaire. Les photographies de certains des drones turcs abattus et de leurs fuselages montrent que ces drones ont effectivement été retirés par un système de guerre électronique, car il n'y a aucune trace d'une frappe de missile ou d'une autre arme à feu". En fait, le rapport provient d'Erevan.

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À Moscou, Korotchenko a répondu : "Depuis l'année dernière, l'Arménie a perdu ses contacts avec la Russie dans le domaine militaire, il est donc difficile de dire quoi que ce soit sur [la Krasukha]. Nous pouvons dire sans hésiter que la Russie est intéressée par un règlement diplomatique du conflit dans les plus brefs délais. Il est trop tôt pour parler des leçons à tirer pour les deux parties. L'Azerbaïdjan utilise des drones très efficaces ainsi que des tactiques d'artillerie, mais le nouveau terrain exigera qu'ils fassent quelques changements".
 
Ilya Kramnik, un expert militaire du Conseil russe des affaires internationales, estime que "même après leur dernier échec, les forces azerbaïdjanaises continuent à contrôler le couloir de Lachin, car leurs drones et leur artillerie peuvent encore être utilisés pour bloquer le passage des troupes arméniennes. Mais le terrain et le temps instable de l'automne vont jouer pour l'armée arménienne, qui a l'expérience de la guerre dans de telles conditions".
 
Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)
 
La version originale de l'article en anglais :

vendredi, 06 novembre 2020

Robert Steuckers : Entretien sur le conflit du Caucase pour la presse azerbaidjanaise

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Robert Steuckers : Entretien sur le conflit du Caucase pour la presse azerbaidjanaise

Propos recueillis par Zaur Medhiyev

La localité de Barda a été récemment touchée par un missile arménien. Quatre personnes ont été blessées. Ce n'est pas la première fois que des roquettes arméniennes frappent des villes. Pour quelle raison l’Arménie mène-t-elle ce type d’action ?

L’escalade dans la guerre actuelle au Sud du Caucase provient d’agents provocateurs qui veulent empêcher la rentabilisation de l’axe de communication terrestre dit « South-North », partant de l’Inde, traversant l’Iran et l’Azerbaïdjan pour arriver en Russie dans le bassin de la Volga. Ce corridor, qui porte le nom anglais de « International North-South Transport Corridor » prévoit la construction de communications navales, ferroviaires et routières sur une distance de 7200 km au départ de Mumbai (Bombay) en Inde. La Russie et l’Inde ont signé le protocole d’accord en mai 2002. En 2014, le trajet Mumbai-Bakou a été testé via le port iranien de Bandar Abbas. Ensuite, on a procédé à un test de fonctionnement entre Mumbai et Astrakhan sur la Volga. D’autres voies sont prévues vers l’Europe mais surtout vers le Kazakhstan et le Turkménistan. L’objectif est de renforcer sur la masse continentale eurasienne la « trade connectivity » ou « connectivité commerciale » et d’éviter les goulots d’étranglement créés depuis deux siècles par les puissances thalassocratiques dont la stratégie visait à « contenir » la principale puissance continentale, c’est-à-dire la Russie, et à l’empêcher d’atteindre les mers chaudes.

La réalisation de ce Corridor a également pour but de diminuer les coûts de transport de 30% et de réduire la longueur des trajets de 40%. L’Azerbaïdjan et l’Arménie ont signé ultérieurement l’accord de mai 2002, avec d’autres pays de la région et d’Asie centrale. L’Azerbaïdjan a eu l’intelligence politique de s’impliquer à grande échelle dans ce projet en construisant de nouvelles routes et de nouvelles voies de chemin de fer. La réunion de Téhéran du1 novembre 2017 a ainsi permis de normaliser et d’améliorer les relations entre l’Azerbaidjan chiite et l’église orthodoxe russe, de conclure des accords contre le terrorisme (wahhabite), de prendre des mesures pour lutter contre le narcotrafic et de sceller le projet de réaliser le Corridor. Ces accords sont importants et méritent d’être ancrés dans les faits.

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L’Iran voisin veut, dans le cadre de ce magnifique projet, agrandir le port de Chahabar et réaliser, à terme, un grand canal transiranien, l’Iranrud, qui relierait l’Océan Indien à la Caspienne, notamment au port d’Astara, situé à la frontière entre l’Iran et l’Azerbaïdjan. Ce développement régional intéresse les Européens conscients des impératifs de la géopolitique car, de cette façon, l’Europe, elle aussi, échapperait aux goulots d’étranglement que sont Gibraltar, Suez et Aden.

L’Arménie, depuis quelques années, a malheureusement laissé le projet en jachère. Or le tronçon ferroviaire et l’axe routier Iran-Arménie sont les chaînons manquants (les « missing links ») pour que les embranchements de ce Corridor puissent atteindre également la Mer Noire via la Géorgie. En septembre 2013, Serge Sarkissian signe des accords ferroviaires avec Vladimir Poutine, où la Fédération de Russie promet d’investir quinze milliards de roubles dans le projet.

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Pour les stratégistes américains actuels, ceux du Deep State, qui s’inscrivent dans la logique forgée en 1904 par Sir Halford John Mackinder, ces axes de communication doivent être bloqués à tout prix car ils défient, par leur existence même, toutes les stratégies développées par les puissances maritimes qui exigent la liberté des mers depuis le 17ème siècle. Dans le cadre qui nous occupe, aucune entrave aux axes de communication terrestre ne peut s’imposer. Les puissances maritimes tablent certes toujours sur leurs flottes mais aussi sur leurs dispositifs satellitaires et sur la maîtrise du numérique. Les puissances continentales gardent le lien avec la terre, le tellurique : leurs figures tutélaires sont le paysan et le géomètre romains. Depuis deux ou trois décennies, les stratégistes américains parient sur des guerres hybrides, impliquant la manipulation d’ONG comme en Ukraine, en Géorgie et en Arménie, ce qui a permis à Pachinian d’arriver au pouvoir en 2018, comme par hasard juste après les accords de Téhéran de 2017, scellés par ses prédécesseurs, dont l’ex premier ministre Serge Sarkissian, son vieil ennemi depuis 2008, et surtout l’ancien président Robert Kotcharian qu’il a fait emprisonner. L’objectif de ces ONG subversives est de saboter l’acheminement des marchandises et des hydrocarbures en direction des rimlands les plus riches comme on le voit avec l’acharnement américain contre les gazoducs Nord Stream 2 dans la Baltique. Dans le conflit qui ravage aujourd’hui le Caucase, il s’agit de saboter les voies de communication terrestre en gestation. Nous ne pouvons tolérer un tel sabotage car si les juristes des puissances maritimes du 17ème siècle (qui sont toujours les mêmes) plaidaient pour la liberté des mers, nous devons aujourd’hui militer pour la liberté des terres et rejeter tous les conflits qui bloquent les voies destinées à réorganiser le continent.

Enfin, les opérations de guerre en cours font évidemment des victimes dans les deux camps. Toutes sont à déplorer.

Des experts, dont des Russes, ont appelé Erevan à déposer les armes et à s'asseoir à la table des négociations, fournissant à l'Azerbaïdjan un calendrier pour le retrait des forces d'occupation. Cependant, Pachinian répond en appelant à une guerre totale. Quelle est la raison de cette obstination obsessionnelle?

Les Russes sont parfaitement conscients d’un fait : si une guerre de longue durée s’installe au Sud de la chaîne du Caucase, le projet du Corridor Inde/Arctique sera remis aux calendes grecques, ce qui irait au détriment de tous, en Europe comme en Asie. Ensuite, il faut savoir deux choses : la Russie a une frontière commune avec l’Azerbaïdjan et non avec l’Arménie. Le transit potentiel du Corridor passera dès lors par l’Azerbaïdjan en priorité. Ce raisonnement, les Iraniens et les Indiens doivent le tenir aussi. Si Pachinian appelle à la guerre totale, contrairement aux vœux de Moscou, c’est qu’il suit un ordre du jour occulte, établi par les services secrets américains. Cependant, il sait, et les Américains savent, que les Arméniens peuvent compter sur la sympathie de tous les peuples orthodoxes (surtout les Russes), de bon nombre de chrétiens catholiques, de la diaspora arménienne de France et des Etats-Unis. L’Azerbaïdjan ne pourra pas compter sur un tel soft power pour deux raisons : c’est un pays musulman et, dans les circonstances actuelles en Europe occidentale et centrale, les musulmans n’ont pas bonne presse. Ensuite l’alliance tacite avec la Turquie, qui envoie sur le front des mercenaires djihadistes syriens et libyens, dessert considérablement votre pays car les discours d’Erdogan, tenus à Strasbourg, Hasselt et Cologne, au cours de ces deux dernières décennies ont hérissé les Européens et ressuscité la phobie antiturque qui remonte au temps des croisades. Même si on peut dire qu’Erdogan n’a pas tort de fustiger les sales manies idéologiques qui ont défiguré l’Europe depuis une soixantaine d’années et ont culminé dans l’abjection au cours de ces dix dernières années. Quant à ses charges contre Macron, ma foi, je dois dire que je ris aussi dans ma barbe quand je les entends…

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Pour pallier cet inconvénient, l’Azerbaïdjan devrait mettre en avant les bonnes relations avec l’église orthodoxe russe, scellée lors de la réunion de Téhéran en novembre 2017. Face à l’opinion publique russe, il conviendrait aussi de desserrer les liens avec l’OTAN, sans pour autant renoncer aux gazoducs et oléoducs transanatoliens TANAP, base concrète de l’alliance de facto entre la Turquie et l’Azerbaïdjan.

Après la guerre, Pachinian et ses camarades seront-ils jugés ?

En principe, je suis contre le fait de juger des hommes d’Etat ou des chefs de guerre après une défaite militaire. Le Tribunal de La Haye est une sinistre farce, comme peuvent en attester les Serbes, les Croates et les Bosniaques (et demain les Kosovars) qui ont subi ses foudres. J’ai aussi plus de respect pour les hommes politiques qui affrontent les aléas de l’histoire ou pour les soldats qui mettent leurs vies en jeu que pour les sinistres et médiocres juristes, aux raisonnements creux et aux corps mous, qui ont l’effroyable toupet de juger leurs actes. Il n’y a pas d’êtres plus méprisables qui grouillent sur cette Terre. Je ne souhaite donc pas la création d’un nouveau tribunal de cette sorte après le conflit qui ravage le Caucase aujourd’hui. Lecteur de Carl Schmitt, j’ai médité, avec le Professeur Piet Tommissen, les écrits de ce grand penseur allemand sur la notion d’amnistie.

Le gouvernement belge reconnaît le Karabakh comme faisant partie du territoire de l'Azerbaïdjan. Mais le parlement flamand prend sa propre décision selon laquelle, dit-il, le Karabakh est un État séparé. Comment peut-on expliquer cela? Comment le Parlement flamand peut-il s'opposer à l'avis du ministère fédéral des Affaires étrangères?

L’architecture politique du royaume de Belgique est compliquée et il est toujours malaisé de tenter de l’expliquer à des étrangers. Même à nos voisins les plus proches. La situation est tendue en Belgique aujourd’hui. Le gouvernement central (fédéral) est composé de partis majoritairement non flamands. La population majoritaire est cependant flamande (plus de 60%) mais n’est quasi pas représentée dans le nouveau gouvernement fédéral. Par conséquent, le Parlement flamand jouera le jeu d’une opposition politique intransigeante tant que ce gouvernement sera en place, puisqu’il le juge antidémocratique et non représentatif de la population flamande, donc illégitime. L’idéologie majoritaire en Flandre privilégie systématiquement les peuples réels contre les Etats et le droit à la sécession de toutes les communautés ethniques minoritaires. Cela vaut pour la Catalogne et l’Ecosse comme cela a valu pour le Kosovo. Aujourd’hui, cette lecture est appliquée au Haut Karabakh, considéré comme arménien parce que peuplé d’Arméniens. A cela s’ajoute une solidarité chrétienne (même chez les agnostiques) et un affect antiturc dû au rejet de l’immigration marocaine et anatolienne, où l’idéologie salafiste et frériste s’implante dangereusement, mettant en danger tous les projets de convivialité interculturelle et d’intégration. Parmi les victimes de cette expansion sournoise du salafisme : un imam chiite marocain, tué par un extrémiste nord-africain.

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A Bruxelles, la communauté arménienne a organisé des rassemblements non autorisés, voire bloqué les rues. Comment les habitants ordinaires de la capitale ont-ils réagi à cela?D'ailleurs, ces rassemblements ont été dispersés par la police. Y a-t-il eu une nouvelle déclaration sur le «génocide»?

J’ai certes entendu parler d’une manifestation arménienne à Bruxelles mais non d’un blocage des rues. Cela s’est plutôt passé sur une autoroute française dans la région de Lyon. Je n’ai pas entendu de déclaration sur le génocide, sauf que la négation de ce génocide est interdite par les lois belge et française.

 

Le rapprochement sino-iranien: nouveau champ d’action de la guerre économique

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Le rapprochement sino-iranien: nouveau champ d’action de la guerre économique

par Nathan Crouzevialle

Ex: https://infoguerre.fr

Mai 2018, Donald Trump décide de se retirer unilatéralement des accords sur le nucléaire iranien, imposant par la suite de nouvelles sanctions contre l’Etat perse, et cela malgré l’opposition des Etats européens. Forte de cette stratégie, c’est la Chine qui apparaît ici comme axe de repli pour la République Islamique.

Conséquence des relations irano-américaines, la République islamique se tourne vers la Chine

L’Empire du milieu n’a pas attendu plus tard que cet été pour montrer sa volonté de signer un accord historique[i] « Lion-Dragon » prévoyant des investissements de 400 milliards de dollars sur 25 ans. 280 milliards de dollars d’investissement destinés aux industries pétrolières et gazières et 120 milliards pour les transports et la technologie sont les termes de l’accord, contre quoi l’Iran s’engage à vendre à l’état chinois des barils de pétrole à bas prix.

C’est donc l’Iran qui apparaît comme nouveau terrain d’affrontement, où deux camps s’opposent. D’un côté, un bloc composé des Etats-Unis en figure de proue accompagnés par des pays européens que sont la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. De l’autre côté, l’Iran, la République Populaire de Chine et dans une certaine mesure la Russie. Si cette division bipartite peut sembler quelque peu simpliste, il n’en reste que chacun des acteurs placent ses pions enfin d’empêcher une avancée adverse.

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Victime de l’extraterritorialité du droit américain, le pays est victime d’un manque crucial de capitaux étrangers, pourtant indispensables à son développement. Et alors que le taux d’inflation et de chômage ont atteint des niveaux records en Iran, c’est sur fond d’ennemi commun que naît une union bilatérale[ii] au goût d’ambition mondiale pour le parti communiste chinois et régionale pour la république Islamique. C’est sur une région historiquement « maîtrisée » par les Etats-Unis que la Chine démontre sa capacité à défier l’état américain.

L’Iran : pièce de l’échiquier de la Belt and Road Initiative

Belt and Road Initiative ou les nouvelles routes de la soie en français, voilà ce qui dicte le jeu chinois. Matérialisation concrète d’une forme d‘impérialisme chinois, le pays ne cesse d’étendre son influence géopolitique via des infrastructures et des accords commerciaux ambitieux. L’Iran apparaît comme pierre angulaire du projet. Il est important de noter que l’Iran est le troisième exportateur de pétrole pour la Chine mais que c’est également plus de 60% du pétrole qui est à destination du marché asiatique qui transite par le détroit d’Ormuz. On comprend dès lors que la Chine n’a aucun intérêt à laisser se dépérir le pays bien au contraire.

Le développement promis des infrastructures de transport comme le port de Chahbahar – qui est exclu des sanctions américaines – ou celle d’un train qui reliera directement Urumqi dans le Xinjiang à Téhéran en passant par les quatre pays d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan et Turkménistan), fait de toute évidence sens pour l’Iran[iii]. Dans la même lignée, la Chine qui est désormais capable de produire des centrales nucléaires compte bien également équiper ce pays avec ces technologies.

De plus, cet accord permettrait un renforcement dur approchement militaire des deux Etats. En effet, pour la première fois en décembre 2019, la Chine, l’Iran et la Russie ont mené des manœuvres communes dans l’Océan Indien et le Golfe d’Oman afin « d’assurer la sécurité internationale du commerce » selon les communiqués officiels. En réalité derrière cette démonstration de force, la Chine veut être impliquée dans de nouvelles zones d’opérations pour assurer son influence pour assurer la bonne tenue de son modèle commercial[iv].

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La communication officielle ne doit pas masquer la réalité[v], il apparait évident que cette union de circonstances permet à la Chine de s’assurer une présence militaire dans des zones d’influence stratégiques primordiales, telles que le détroit de Malacca et le détroit d’Ormuz. La Chine est désormais très présente dans la zone de l’océan indien ou son influence se fait de plus en plus pesante pour les différents acteurs. L’empire milieu a notamment pour projet la construction d’une deuxième base militaire à côté du port pakistanais de Gwadar après celle construite à Djibouti. Cette présence militaire inédite renverse le prisme américain jusqu’à alors dominant dans la région et se place comme un acteur majeur dans la région. C’est sans oublier, que l’embargo de l’ONU sur la vente d’armes à l’Iran prendra fin le 18 octobre, et s’il n’a pas été reconduit le pays perse pourrait s’avérer être un nouveau marché de taille pour Pékin.

Les enjeux monétaires

La Chine installe en réalité un « pont » virtuel mettant hors-jeu les Etats-Unis, profitant de la politique agressive menée par le président américain à l’encontre de l’Etat iranien. Le pétrole exporté sera payé par des échanges de biens, de services et de technologies mais également via la nouvelle monnaie électronique chinoise « l’e-RMB ». Cette toute nouvelle monnaie numérique permet en réalité à l’Iran et à la Chine de contourner sans problème toute sanction imposée par les États-Unis – évitant toute liaison avec le cours du dollar également. De plus, elle permettra à Pékin de faire prévaloir une autre monnaie que le dollar devenant de la sorte une réelle alternative aux billets verts américains.

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Au terme de cette démonstration, Il apparaît que l’Iran se confirme comme un point stratégique majeur pour la Chine. Cela d’une part pour la sécurisation de ces sites maritimes et terrestres, mais également via une sécurisation énergétique indispensable pour l’Etat asiatique. Cette situation pourrait aboutir très probablement à une certaine dépendance économique pour l’Iran vis-à-vis de la Chine mais elle amène également une contradiction forte au sein de la république islamique. Cette dernière proclame vouloir exporter la révolution et protéger les musulmans dès lors il est intéressant de constater son silence sur le traitement réservé aux Ouïghours. Ce silence en dit long sur les besoins en financement de l’économie iranienne.

Il semblerait donc que le rapport de force sino-américain ait trouvé un nouveau terrain de jeu, l’Etat iranien pris entre les deux hégémons doit faire un choix cornélien. Cette grille de lecture sous le prisme de la guerre économique nous permet de mieux comprendre les enjeux derrière cet accord titanesque. La Chine comme à son habitude joue une partie de Go en plaçant ses pions dans la région pour encercler des zones d’influence. Sa relation avec l’Iran n’est pas sans arrière-pensée[vi]

Nathan Crouzevialle.

Notes

[i] https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-teheran-et-pekin-main-dans-la-main

[ii] https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2011-2-page-519.htm

[iii] https://lecridespeuples.fr/2020/07/16/les-sanctions-americaines-poussent-la-chine-et-liran-vers-un-partenariat-strategique/

[iv] https://www.revueconflits.com/iran-chine-russie-allies-de-circonstance-michel-nazet/

[v] https://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Thierry-Kellner-sur-les-relations-entre-la-Chine-et-l-Iran-les.html

[vi] https://www.youtube.com/watch?v=bo5dzWD1tpM&t=754s

mercredi, 04 novembre 2020

Impasse républicaine aux antipodes

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Impasse républicaine aux antipodes

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le verdict des urnes sonne comme un avertissement solennel. Marqué par une participation en hausse de 4,68 points par rapport à la précédente consultation du 4 novembre 2018, le deuxième référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, le 4 octobre dernier, a vu la victoire étriquée du « non » (53,26 % contre 56,67 % en 2018) et la progression notable du « oui » de 3,41 points ! Prévu en 2022, la troisième et dernière échéance référendaire pourrait mettre fin à la présence française sur le « Caillou ».

Toujours emprisonnée dans sa nostalgie stérile de l’Algérie française, la droite conservatrice hexagonale rêve de rejouer une saynète pathétique au nom de la Nouvelle-Calédonie tricolore dans laquelle les Caldoches (les Néo-Calédoniens d’origine européenne) y seraient considérés en variante océanienne des Pieds-Noirs. Ce cas précis démontre que le courant national n’applique pas le sage principe d’« une terre, un peuple ». Les Kanak ne sont-ils pas chez eux en Nouvelle-Calédonie ? En dépit des ravages collectifs de l’alcoolisme, du chômage de masse et de la modernité occidentale, le peuple kanak dans toute sa diversité tribale conserve cahin-caha son caractère communautaire et ses traditions ancestrales. Ne sont-ils pas un exemple à suivre d’autant que les mariages mixtes, et donc le métissage, restent rares ? La nomination d’Emmanuel Kasarhérou, de père kanak et de mère française, à la présidence du musée Jacques-Chirac des arts premiers, quai Branly à Paris, est l’exception qui confirme la règle. En 2014, un recensement particulier indiquait que 39 % de la population de l’archipel néo-calédonien étaient kanak, 27 % d’origine européenne, 11 % océanienne, c’est-à-dire provenant de l’aire Pacifique, 11 % autres et 3 % asiatiques. La société calédonienne garde ainsi son aspect de mosaïque communautaire propice à l’épanouissement séparé des groupes ethno-culturels.

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Cet épanouissement parallèle est rendu possible par les accords de Matignon de 1988 et de Nouméa de 1998 qui fondent l’originalité institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie élevée au rang de « Pays d’outre-mer ». L’archipel dispose d’un gouvernement autonome, d’un Congrès local et d’un Sénat coutumier dispensé de toute exigence paritaire sexuée. Les deux accords conclus entre l’État, les indépendantistes et les loyalistes entérinent en outre une citoyenneté territoriale et une préférence locale en matière d’embauche et de droits sociaux. Ces deux textes reconnaissent enfin une réelle discrimination civique. Le métropolitain français fraîchement installé à Nouméa ne peut voter ni aux élections territoriales, ni pour les trois referenda d’autodétermination. Ainsi, ce qui est impossible à Paris, à Lille, à Strasbourg, à Brest, à Bordeaux, à Lyon, à Nice, à Carcassonne se réalise-t-il à vingt-cinq heures d’avion de Roissy – Charles-De-Gaulle… Plutôt que de pleurnicher, les nationaux devraient au contraire en profiter et s’appuyer sur ce précédent validé par le Conseil constitutionnel pour faire avancer leur projet indiscutable de traitement préférentiel pour les seuls citoyens français.

Mieux, le monopole du FLNKS (Front de libération nationale kanak socialiste) sur le mouvement indépendantiste n’existe plus depuis longtemps. Les frictions entre indépendantistes de diverses tendances rivales sont courantes. En 2009, à l’occasion des élections provinciales dans les Îles Loyautés, le mouvement indépendantiste Libération kanak socialiste présentait une liste appelée « Dynamique autochtone ou la terre en partage ». Un tel intitulé serait-il concevable en Métropole ? Émanation politique de l’Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités (USTKE), le Parti travailliste rappelle régulièrement son attachement à la protection de l’emploi local, à la préférence kanak donc, et réclame une limitation draconienne de l’immigration massive de peuplement non-kanak. En France métropolitaine, de tels propos vaudraient à leurs auteurs l’accusation de répéter Éric Zemmour et Renaud Camus… Or le Parti travailliste et l’USTKE se prévalent du soutien officiel de José Bové et du NPA d’Olivier Besancenot. L’internationalisme et l’altermondialisme atteignent ici leurs limites conceptuelles. Par ailleurs, que font les ligues de petite vertu anti-racistes ? À croire que la distance épargnerait la société néo-calédonienne des injonctions du politiquement correct en vigueur en Europe…

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Les Caldoches vivent pour la plupart d’entre-eux en Nouvelle-Calédonie depuis au moins la seconde moitié du XIXe siècle. Connaissant les calamités politiques de l’indépendance au Vanuatu voisin (les anciennes Nouvelles-Hébrides) ainsi que sur l’île de Nauru ou en Papouasie – Nouvelle-Guinée, ils ne cachent pas leurs réticences envers tout gouvernement mélanésien. Cependant, vouloir assimiler les Kanak au modèle hexagonal serait un désastre supplémentaire. Si le « oui » progresse autant, c’est parce que la société française ne fait plus sens. Mondialisé, américanisé, sur-occidentalisé, cosmopolitisé, féminisé, « grand-remplacé », l’Hexagone agit en repoussoir et en contre-exemple pour tous ceux qui, outre-mer, veulent sauvegarder leur identité culturelle. Ils ne veulent pas sortir de l’histoire. Le modèle unitaire et indivisible français d’assimilation des individus hors de toute dimension communautaire tant célébré par la droite la plus nulle de l’Univers conduit à des ethnocides fréquents. Basques, Bretons, Alsaciens, Flamands, Gascons, Normands, Lorrains, Occitans, Picards, Auvergnats, Savoisiens, Francs-Comtois, Bourguignons, Nissarts, Corses, Catalans en sont les pertinentes illustrations de l’entreprise républicaine d’effacement des peuples. Les Kanak ne souhaitent pas le même sort.

La République française a empêché la France d’assumer son destin de « petite Europe » et nié son dessein d’organiser un ensemble fédéral de races, d’ethnies, de peuples et de patries autour d’un polythéisme assumé des valeurs. Centralisée et hyper-parisianisée, elle asphyxie toutes les forces vives de ses contrées provinciales, des terroirs périphériques et maintenant des territoires ultra-marins. Les Kanak, les Polynésiens, les Wallisiens n’assistent plus passifs à ce long processus génocidaire. Les autochtones de Wallis-et-Futuna expriment toute leur attachement à leurs rois coutumiers reconnus par le régime républicain français.

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Uniforme et homogène tant en Europe qu’à La Réunion, en Guyane et aux Antilles, la République française tolère un bien timide traitement ethno-différencialiste en Océanie. Il est toutefois trop tard pour qu’elle change ses intentions mortifères pour les ethnies. Son idéologie individualiste, sa soumission aux futiles droits de l’homme, sa centralisation administrative excessive, sa politique éducative concertée d’extermination des cultures vernaculaires à la suite de l’héritage criminel des « hussards noirs » annulent toute velléité rénovatrice. En tant que peuple conscient de son avenir, les Kanak de Nouvelle-Calédonie ne veulent pas subir le même sort. On les comprend pleinement. À demain donc la Kanaky – Nouvelle-Calédonie !

Georges Feltin-Tracol.

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 188, mise en ligne sur TVLibertés, le 27 octobre 2020.

mardi, 03 novembre 2020

Haut-Karabakh: la Russie et l'Iran, seuls maîtres du jeu pour résoudre le conflit dans un processus de type Astana

par Patricia Lalonde*
Ex: https://geopragma.fr

Portant sur un territoire jamais reconnu par les Nations Unies ni par aucun autre Etat dans le monde, le conflit du Haut-Karabakh fait partie de ce qu’on appelle en termes diplomatiques « un conflit gelé » qui met en confrontation, dans ce cas, le principe d’autodétermination des peuples et l’application du droit international.

S’il semble naturel aux défenseurs des droits de l’Homme d’apporter un soutien à l’Arménie, victime du terrible génocide de 1915, que ni la Turquie ni l’Azerbaïdjan n’ont reconnu à ce jour, l’Azerbaïdjan, de son côté n’a jamais accepté que les Arméniens parrainent l’indépendance auto-proclamée du Haut-Karabakh en 1991. Une guerre meurtrière s’en est suivie avant un cessez-le-feu en 1994 qui a donné lieu depuis, à plusieurs escarmouches sur la ligne de front. 750 000 Azéris ont dû quitter leurs terres et ne pensent qu’à « revenir au pays ». 

Une tentative pour tenter de résoudre le conflit avait été faite en 2009 à Madrid, et trois pistes y avaient été proposées : les habitants du Haut-Karabakh pourraient décider s’ils étaient citoyens d’Arménie ou d’Azerbaïdjan, l’armée arménienne se retirerait de la région occupée au Sud-Est du Haut-Karabakh, et enfin, l’Azerbaïdjan garantirait un couloir humanitaire pour tous ceux qui voudraient quitter le Haut-Karabakh pour l’Arménie… Ces pourparlers furent interrompus, faute de consensus des deux parties.

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Les pays du voisinage se sont accommodés depuis de longues années de ce statu quo, à commencer par la Russie, qui entretient de très bonnes relations avec l’Arménie et lui est liée par un accord de défense dans le cadre du l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), mais qui parallèlement conservent de bonnes relations avec Bakou (notamment pour ne pas laisser le pays basculer sous influence occidentale), et vend à l’Azerbaïdjan (tout comme à l’Arménie).

Comme vient de déclarer le président russe, Vladimir Poutine, dans le cadre des discussions de Valdaï, « c’est un conflit qui a lieu entre nos amis. Personne ne souhaite la fin du conflit autant que nous ne la souhaitons. Je suis à cent pour cent sûr que les pays du Groupe de Minsk font leurs efforts pour régler la crise, mais la désescalade n’importe à personne autant qu’à la Russie. Je ne parle pas comme cela pour mettre en exergue le rôle de la Russie, mais ces deux pays sont nos voisins et nous entretenons des relations spéciales avec leur Etat et leur peuple ». Vladimir Poutine va plus loin en déclarant qu’il comprend que l’Azerbaïdjan veuille récupérer ses terres « puisqu’il est totalement inacceptable pour Bakou de perdre une grande partie de son territoire ».

Quant à la République islamique d’Iran, qui reste proche de l’Arménie chrétienne, elle conserve néanmoins de bonnes relations avec l’Azerbaïdjan avec qui elle partage une large frontière, relations indispensables pour contenir d’éventuelles tensions dans la très forte communauté azérie chiite, deuxième ethnie d’Iran ; et cela malgré un rapprochement de Bakou avec Israël en matière de renseignement, d’énergie et d’équipement militaire. 

Tout en mettant l’accent sur la préservation de la souveraineté nationale et de l’intégrité du territoire Azerbaïdjanais, l’Iran serait prêt à contribuer à l’instauration d’une paix durable dans la cadre d’une initiative régionale : Iran, Turquie, Russie, en complément du mécanisme de Minsk. C’est le sens du déplacement à Moscou du vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Seyed Abbas Araghchi pour y rencontrer son homologue Russe, Andrei Rudenko.

L’Initiative iranienne vise à démontrer l’inefficacité du Groupe de Minsk et l’urgence d’une approche régionale ; selon le vice-ministre iranien, cette première étape met l’accent sur l’engagement pratiquedes pays de la région en faveur du respect d’un certain nombre de principes, notamment la fin nécessaire de l’occupation, le respect de l’intégrité territoriale, le principe de l’inviolabilité des frontières ainsi que le respect du droit humanitaire, du droit des minorités et la non-agression contre les civils… Une façon de libérer l’Azerbaïdjan de l’emprise et de l’instrumentalisation de Recep Tayyip Erdogan.

Il faut en effet remarquer que contrairement à son allié turc, l’Azerbaïdjan a su entretenir de bons contacts avec tout son voisinage ainsi qu’avec l’Europe : le Partenariat Oriental en est un exemple ainsi que sa participation à certaines opérations dirigées par l’OTAN.  Contrairement à ce que l’engagement de la Turquie auprès de l’Azerbaïdjan pourrait (et cherche à) laisser penser, il ne s’agit donc aucunement d’une guerre de religion. S’il est vrai que le calendrier est troublant et que R.T. Erdogan cherche à faire oublier ses échecs en Syrie et en Libye en ouvrant un nouveau front dans le Caucase, peut-être sous influence de l’OTAN et de Washington,ce n’est pas le cas des autorités azerbaïdjanaises, qui cherchent surtout à faire appliquer le droit international en récupérant les territoires du Haut-Karabakh et ses provinces adjacentes. L’Azerbaïdjan semble en effet éloigné des calculs politico-religieux du président de l’AKP et de sa volonté d’expansion dans le Caucase. Il suffit de voyager en Azerbaïdjan, et pas seulement à Bakou où se côtoient églises, synagogues et mosquées, pour se rendre compte de la tolérance du peuple azéri en matière de religion. 90% des Azéris sont des musulmans chiites et pratiquent un islam modéré.

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Le « soutien » de R.T. Erdogan risque donc de devenir un fardeau pour le président azéri Ilham Aliyev, notamment dans le contexte actuel de forte tension entre la Turquie, la France et les pays européens. En effet, l’arrivée de djihadistes de Syrie et de Libye, ayant transité par la Turquie est un très mauvais coup porté à toute la région. Nous avons vu les effets désastreux d’une telle politique dans les conflits en Syrie, en Libye et au Yémen. Des appels au djihad dans le Caucase ont été lancés ; les Azéris et les Arméniens n’ont aucun intérêt à ce que leurs pays deviennent un nouveau terrain d’entraînement pour les djihadistes et échappe à tout contrôle, d’autant que des « révoltes » (peut être opportunément encouragées) dans d’autres anciennes républiques soviétiques comme le Kirghizstan qui sont en train de déstabiliser la région pourraient réveiller les nombreux groupes islamistes au Tadjikistan et en Ouzbékistan et déstabiliser davantage l’Afghanistan en plein pourparlers avec les Talibans…

Aucun des pays du voisinage n’a de fait intérêt à ce que le conflit s’envenime, ni à tomber dans un possible piège que les Occidentaux auraient tendu en manipulant à la fois Nikol Pachinyan, le Premier ministre arménien aux tendances pro-occidentales et américaines, et le président Azerbaïdjanais Ilhan Aliyev proche de l’OTAN, en poussant les Turcs à s’ingérer dans ce conflit gelé pour déstabiliser les Russes, et les Iraniens et les forcer à rentrer en guerre. Vladimir Poutine a compris la combine. Il n’a eu de cesse ces derniers jours de répéter qu’il n’enverrait pas de troupes russes au Haut-Karabakh si l’Arménie n’était pas touchée directement sur son sol et qu’il savait comment écarter la Turquie en tarissant la source de son trafic de terroristes vers le Caucase Sud. Pour preuve, il y a quelques jours, les armées russe et syrienne ont frappé fort en visant un site de contrebande de pétrole syrien, causant la mort de dizaines de terroristes et la destruction de pétrole de contrebande que R.T. Erdogan s’apprêtait à trafiquer vers l’Europe pour financer son incursion au Haut-Karabakh… Les Russes comme les Iraniens ne laisseront pas s’installer les poches de djihadistes envoyées par R.T. Erdogan. Ils ne les ont pas combattus des années en Syrie, et en Libye, pour les laisser venir dans le Caucase. 

C’est là que le « format d’Astana » mis en place pour le règlement du conflit syrien entre la Turquie, la Russie et l’Iran pourrait prendre légitimement toute sa place, marginalisant ainsi le groupe de Minsk en n’incluant que les Etats de la région directement concernés : l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Russie, l’Iran et la Turquie… 

Si l’OTAN a cherché à se servir de la Turquie pour tendre un piège aux Russes et aux Iraniens dans le Caucase sur le dos des Azéris et des Arméniens, il pourrait bien se refermer sur ses instigateurs.

*Patricia Lalonde, Vice-présidente de Geopragma

lundi, 02 novembre 2020

Ce qui se joue le 3 novembre en terre américaine...

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Ce qui se joue le 3 novembre en terre américaine...

par Thibaud Cassel
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Thibaud Cassel, cueilli sur le site de l'Institut Iliade et consacré aux élections présidentielles américaines et à leur enjeu du point de vue des Européens qui résistent au Nouvel Ordre mondial. Thibaud Cassel est l'auteur d'une anthologie poétique, Le Chant des Alouettes (Pierre-Guillaume de Roux, 2017).

Ce qui se joue le 3 novembre en terre américaine

Le 3 novembre 2020, le président sortant Donald Trump sollicite les suffrages d’environ 250 millions d’électeurs afin de reconduire la majorité républicaine de grands électeurs contre les démocrates menés par Joe Biden. L’Institut Iliade ne s’occupe guère de politique, encore moins de péripéties électorales. Mais quand la métropole du monde occidental entre en convulsion, c’est un évènement significatif pour l’Europe. Et quand les masses blanches aux États-Unis forment le socle de la résistance au projet mondialiste, c’est une leçon décisive que doivent méditer les peuples autochtones d’Europe.

« Silent majority ! », la longue descente aux enfers de la majorité silencieuse

Le président sortant tweete régulièrement « Silent Majority ! » sur son compte personnel suivi par plus de 87 millions d’abonnés. De quoi est-il question ?

Il est vrai que l’histoire s’écrit depuis 1945 d’une main américaine et sur le dos de l’Europe. Mais le tournant idéologique des années 1960 se fait, de part et d’autre de l’Atlantique, au détriment des peuples blancs. En Amérique sur fond de culpabilisation au regard de l’esclavage, en Europe sur fond de repentance liée à la Deuxième Guerre mondiale. Dans les années 1980, cette même majorité sidérée subit le tournant néo-libéral : l’aliénation économique prolonge logiquement la déchéance des peuples coupables.

Enfin en 1990, l’effondrement du bloc de l’Est permet l’avènement de l’unipolarité américaine. Mais c’est l’heure du dollar qui a sonné, pas celle du peuple américain. Le boy du Texas ou de Virginie est bon à mourir en Afghanistan, ou à révérer la « discrimination positive » pour végéter dans un emploi précaire. Du dénigrement au silence et à la mort : majorité abattue, majorité tue, majorité tuée – c’est-à-dire remplacée.

Car la majorité silencieuse – en plus largement : l’humanité pulvérisée en individus – n’est que le carburant du « nouvel ordre mondial » annoncé par George Bush au début des années 1990. Les désastreuses années Obama, dans le contexte de la crise systémique de 2008, ont ouvert les yeux à beaucoup outre-Atlantique et permis la victoire inattendue de Donald Trump en 2016.

« America First »

Désormais, un large pan du peuple américain donne le spectacle d’une foule affranchie des tabous du politiquement correct.

La question du comment est inconfortable pour les Européens. Car l’Amérique a puisé dans ses entrailles les capacités de riposte à un système doté de moyens financiers et médiatiques à peu près illimités. Ce que révèle Donald Trump, c’est que l’esprit national américain recélait assez de sève et d’esprit pour animer un oligarque contre sa caste et au service des « déplorables ». Aussi vulgaire que cela puisse paraître, l’homme choisi par les circonstances est un marchand de béton. Le roi Arthur est toujours un personnage inattendu. À lui « l’épée magique qui fait pâlir les monstres et les tyrans », – dont parlait Ernst Jünger.

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Bien sûr l’Europe suit un chemin moins dégagé que l’Amérique, tant elle demeure meurtrie par la guerre civile de 1914–1945. Raison de plus pour affronter le devenir sans s’embarrasser des formes et des fantômes du passé. La nécessité d’en finir avec les mensonges du progressisme et les subterfuges de l’universel, voilà les ressorts communs d’un Trump ou d’un Orban : « Notre pays d’abord ».

Nouveau monde et fractures raciales

Ce qui est en jeu, c’est l’affirmation d’une alternative au « nouvel ordre mondial ». Les empires ne s’effondrent jamais qu’en leur centre. Trump est le syndicat de faillite de l’Amérique globalisée comme Gorbatchev fut le liquidateur de l’URSS. Ou — qui sait ? — peut-être comme Staline qui mit un terme à la « révolution permanente » des trotskystes. La situation reste indécise, et il paraît que les États-Unis ne sortiront de l’ambiguïté qu’à leur dépens.

Donald Trump travaille à enrayer une involution américaine, mais ne peut rétablir la situation antérieure. D’évidence, le président américain ne lutte pas pour les Blancs. Pas outre-Atlantique et moins encore de l’autre côté de l’océan. Il met un coup d’arrêt à une politique agressive envers les Blancs en réaffirmant l’égalité des citoyens devant la loi, dans un même État multiracial. La tendance de droite alternative « alt-right » récuse cette promiscuité conflictuelle. Alors que les minorités raciales flattées depuis des décennies font l’objet d’une manipulation pernicieuse de la part des démocrates. L’Amérique se divise, et Donald Trump se trouve démuni face à cette fragmentation durable.

Les Blancs américains forment encore 60% de la population étatsunienne. Ils sont les immigrés les plus anciens et les plus nombreux. L’Europe n’est pas une colonie perpétuelle comme l’Amérique du Nord, mais le havre historique de peuples autochtones.

L’histoire a horreur du vide

Donald Trump nous rappelle seulement que l’histoire est ouverte ; il est un camouflet pour les pessimistes et un trompe l’œil pour les optimistes. Aux yeux des hommes de bonne volonté, il s’impose dans le pugilat actuel comme le point de ralliement de la majorité « décente » et le point de fuite hors de l’État profond délabré que Joe Biden incarne de manière caricaturale.

La victoire de Trump est moins improbable qu’en 2016 ; mais le vote par anticipation et d’énormes soupçons de fraude rendent impossibles les pronostics. Si des irrégularités massives sont démontrées, la majorité silencieuse et flouée n’en sera que plus tentée de tourner le dos aux institutions fédérales – comme autrefois les colons envers la couronne britannique.

75 ans de colonisation nord-américaine ne laissent pas l’Europe indemne. Au point que la tendance acquise aux Démocrates domine dans la quasi-totalité des pays de l’UE, dans les institutions européennes et à travers les médias. Le grand enjeu des élections américaines, du point de vue européen, consiste à briser la chape du plomb du fatalisme. Car rien ne sort de rien : si le bon sens le plus élémentaire est ruiné dans les masses, il n’y aura pas de renouveau.

En cas de victoire de Trump, une atmosphère moins lourde se répandrait aux deux bords de l’Atlantique. En nos pays, les voiles d’Arthur se gonfleraient d’un air plus vif. Pour balayer une oligarchie apatride et corrompue, grevée de toutes les tares du progressisme et entraînant notre continent dans l’abîme.

Thibaud Cassel (Institut Iliade, 28 novembre 2020)

Robert Steuckers: Importance géopolitique du Donbass

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Robert Steuckers:

Importance géopolitique du Donbass

(pour la représentation du RPD en Belgique)

 
 
A l'occasion du premier anniversaire de la représentation de la République populaire de Donetsk en Belgique, le spécialiste de la géopolitique et historien Robert Steuckers a été invité à expliquer les intérêts géopolitiques de la région du Donbass.
 
Organisation : Représentation du RPD en Belgique
 
 
Naar aanleiding van de eerste verjaardag van de vertegenwoordiging van de Volksrepubliek Donetsk in Belgie, werd geopolitiek specialist en historicus Robert Steuckers uitgenodigd de geopolitieke belangen van de Donbassregio te verklaren.
 
Organisatie : Vertegenwoordiging DNR in Belgie
 

Pourquoi les récits anti-russes et anti-chinois sont-ils tellement similaires?

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Pourquoi les récits anti-russes et anti-chinois sont-ils tellement similaires?

Par Moon of Alabama

Après plus de quatre ans de Russiagate, nous apprenons enfin (original payant) d’où proviennent les allégations du dossier Steele sur les relations néfastes entre Trump et la Russie :

Une enquête du Wall Street Journal fournit une réponse : Olga Galkina, 
responsable des relations publiques russe âgée de 40 ans, a transmis des
notes à un ami et ancien camarade de classe qui travaillait pour M. Steele.
Le journal s'est appuyé sur des entretiens, des dossiers des forces de l'ordre,
documents déclassifiés et identification de Mme Galkina par un ancien haut
responsable de la sécurité nationale américaine. En 2016, Mme Galkina travaillait à Chypre dans une filiale de XBT Holding SA,
une société de services Web surtout connue pour son unité d'hébergement
Internet Webzilla. XBT appartient à l'entrepreneur Internet russe Aleksej Gubarev. Cet été-là, elle a reçu une demande d'un employé de M. Steele pour l'aider à
déterrer des informations potentiellement compromettantes sur les liens du
candidat à la présidence de l'époque, Donald Trump, avec la Russie, selon
des personnes proches du dossier. Mme Galkina était amie avec l'employé,
Igor Danchenko, depuis leurs jours d'école à Perm, une ville de province
russe près des montagnes de l'Oural.

Mme Galkina venait souvent ivre au travail et a finalement été renvoyée par son entreprise. Elle s’est vengée en alléguant que l’entreprise et son propriétaire Gubarev étaient impliqués dans le piratage présumé du Comité national Démocrate. Un tas d’autres fausses allégations dans le dossier étaient également fondées sur les fantasmes de Mme Galkina.

Mark Ames @MarkAmesExiled - 18:39 UTC · 28 octobre 2020

Ainsi, le dossier Steele qui a lancé 4 ans d'hystérie au Russiagate parmi la classe 
dirigeante américaine a été concocté par deux alcooliques russes de Perm. Le terme
«Gogolesque» ne suffit pas à décrire la crédulité et la stupidité grotesques des
élites américaines.

Les contes du dossier étaient une véritable désinformation de la part de Russes, mais pas de la «désinformation russe» du type variante américaine de Novlangue.

Le FBI et d’autres personnes impliquées ont su très tôt que le dossier Steele était un tas de mensonges. Mais le sujet a été maintenue aux yeux du public par des fuites continues d’absurdités supplémentaires. Tout cela pour pousser Trump à prendre de plus en plus de mesures anti-russes, ce qu’il a fait avec une générosité sans précédent. Les accusations concernant une connexion Trump-Russie étaient le récit de la « mauvaise Russie » qui poussait et permettait à Trump de poursuivre la politique anti-russe de l’administration Obama / Biden.

Une série similaire de politiques, lors du «Pivot vers l’Asie» de l’administration Obama / Biden et tout au long des quatre années de Trump est la campagne anti-Chine.

Nous entendons maintenant beaucoup parler des accords de corruption de Hunter et Joe Biden avec des entités chinoises. Ces accusations viennent avec toujours plus de preuves et sont beaucoup plus plausibles que ne le prétend le stupide dossier Steele. Leur importance est à nouveau double. Elles seront utilisés pour faire pression sur le président potentiel Joe Biden pour qu’il agisse contre la Chine, mais elles seront principalement utilisés pour intensifier un discours public anti-Chine qui crée un soutien public pour de telles politiques.

Comme le souligne Caitlin Johnstone :

Je ne sais pas comment ni à quel niveau, mais nous sommes couillonnés. Un récit est 
agressivement enfoncé dans nos gorges sur la Chine exactement de la même manière
qu'il nous a été agressivement enfoncé dans la gorge il y a quatre ans ; deux nations
indociles que le gouvernement américain envisage depuis longtemps d'attaquer et de saper. Le Russiagate n'a jamais vraiment concerné Trump. Il n'a jamais non plus été question
de la réunion de son personnel de campagne avec les Russes, ni d'une vidéo pipi, ni
d'une enquête sur une quelconque forme de loyauté cachée envers le Kremlin. Russiagate
était un récit conduisant les États-Unis vers une nouvelle guerre froide avec la Russie,
la cible ultime étant son allié bien plus puissant, la Chine, et assurant que Trump
suive cet agenda. ... Si Biden arrive, nous pouvons nous attendre à la même chose : un président qui fait
monter la tension contre la Russie et la Chine tout en étant accusé par les partisans
de Trump d'être trop indulgents envers la Chine. Les deux partis politiques auront le
pied sur l'accélérateur pour entrer en collision avec une nation dotée de l’arme
nucléaire, sans que personne ne se trouve à proximité des freins.

Il est ainsi assuré que les attaques verbales contre la Chine, la recherche de nouveaux alliés anti-chinois comme l’Inde hindou-fasciste et la dangereuse militarisation de Taïwan se poursuivront sous une administration Biden.

Moon of Alabama

Note du Saker Francophone
En écho à cet article, on peut mettre quelques pincettes à l'article de hier sur Biden 
et le "dossier" autour de son fils et de la Chine même s'il a été poussé par Dmitry Orlov.
Il est probable que les faits soient véridiques mais il manque sans doute la vision
d'ensemble d'une relation américano-chinoise tissée depuis 30 ans.

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

dimanche, 01 novembre 2020

Paul Gottfried: «Trump n’est pas un accident de l’histoire américaine»

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Paul Gottfried: «Trump n’est pas un accident de l’histoire américaine»
 
Ex: https://frontpopulaire.fr

ENTRETIEN. Historien des idées et intellectuel américain influent, Paul Gottfried a notamment été conseiller de Richard Nixon. Grand penseur du conservatisme, il publie L’Amérique de Trump, entre nation et empire chez Jean-Cyrille Godefroy. A la veille des élections américaines, nous l’avons interrogé pour comprendre le phénomène Trump.

41Tm8r-HWdL._SX195_.jpgFront Populaire : Depuis la campagne électorale américaine de 2016, Donald Trump a été conspué par beaucoup et partiellement adulé par d’autres, mais sans doute jamais vraiment compris dans sa spécificité. De quoi Trump est-il le nom, et quelle serait une définition du « trumpisme » ?

Paul Gottfried : Pour autant que le terme « trumpisme » ait un sens, on pourrait le définir comme la jonction entre le talent manœuvrier, le pragmatisme d’un homme d’affaire démocrate de New York et des courants souterrains d’une partie de l’opinion américaine qui entend qu’on lui rende un pays dont elle s’estime dépossédée.

FP : Vous expliquez au début de votre ouvrage que Donald Trump a été l’alibi des médias libéraux dans leur volonté de détourner le mouvement conservateur de son sillon traditionnel. Qu’entendez-vous par là ?

PG : Plus largement, les médias libéraux (au sens américain du terme) se servent de Trump comme ils se sont servis des néoconservateurs mais dans un sens différent. Avec les néoconservateurs, les médias libéraux mettaient en avant les plus « progressistes » comme dirait votre président (en fait partisans du libre-échange, de la finance, du multiculturalisme et de l’option militaire tous azimuts). Pour Trump, il s’agit de faire de lui un épouvantail pour réunir une gauche émiettée entre ceux pour qui les droits des minorités et la lutte contre les mâles blancs pauvres priment toute considération et un renouveau socialiste qui se fait jour aux États-Unis. Alors que pour le conservatisme américain historique, Donald Trump est sinon un homme de gauche du moins de centre gauche.

FP : Vous vous revendiquez vous-même du « paléo-conservatisme ». A quoi correspond ce courant d’idées et comment s’insère-t-il dans le conservatisme américain ? Et par rapport aux néoconservateurs ?

PG : Ce qu’on appelle « paléoconservatisme » équivaut à la tentative américaine de constituer un courant conservateur sur le modèle européen avec un succès discutable. Les néoconservateurs sont un groupe de pression qui a pris le contrôle du parti républicain à partir des années 70, en a expulsé les conservateurs classiques et qui ont imposé leurs visions économiques (libérales), géopolitiques (militariste) et sociales (multiculturelles) alors que le conservatisme américain originel est avant tout un anti-étatisme avec toutes les conséquences que cela implique (refus des grands travaux fédéraux, refus du multiculturalisme imposé par Washington et refus des aventures militaires).

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Paul Gottfried.

FP : Les courants idéologiques américains sont à restituer dans leur propre horizon de cohérence. Par exemple, le qualificatif « libéral » n’a pas le même sens outre-Atlantique que chez nous. Pourriez-vous nous donner quelques exemples de ce type de pièges à éviter pour penser le champ des idées américaines ?

Libéral équivaut au français « gauchiste », conservateur ou paléoconservateur est un courant qui n’a plus de représentation politique américaine autre qu’intellectuelle (via American conservative). Néoconservateur est le visage le plus connu du wilsonnisme soit l’école de l’impérialisme américain bien-pensant. Les libéraux radicaux au sens économique et philosophique sont des libertariens dans le lignage de Murray Rothbard. Les populistes américains sont un courant spécifique que vous connaissez en France à travers l’œuvre de mon regretté ami Christopher Lasch.

FP : En France, nous sommes en train, depuis quelques années déjà, de questionner la pertinence du vieux clivage gauche-droite pour d’autres formes d’approches transversales des oppositions politiques. Pourriez-vous nous éclairer sur les grands clivages politique du monde américain ?

imatz-droite-gauche.jpgPG : De mon point de vue, la grille de lecture droite/gauche est encore plus problématique aux États-Unis qu’elle ne l’est en France comme l’a démontré mon ami Arnaud Imatz, notamment dans son ouvrage Droite-Gauche, pour sortir de l’équivoque. Je pense que le clivage le plus structurant de la vie politique américaine s’articule aujourd’hui dans l’opposition entre les partisans de l’« America First » (ndlr : littéralement, L’Amérique d’abord, soit une politique fondée sur la primauté des intérêts intérieurs américains) contre ceux qui entendent que l’Amérique domine le monde (y compris, selon eux, pour le bien de celui-ci) en s’engageant un peu partout sur la planète. Cela explique le regard noir porté sur la politique protectionniste du président sortant.

FP : Vu depuis l’Europe, Trump représente la figure par excellence d’un certain populisme vulgaire et droitier, comme une créature de l’ancien monde que personne n’avait vu venir. Comment analysez-vous ce populisme, et lui voyez-vous des équivalences à l’étranger ?

PG : Dès qu’un homme confesse aimer son pays, dès lors qu’il n’est pas convaincu que Justin Trudeau soit l’avenir de l’humanité et qu’il appelle un chat un chat, il devient pour la social-démocratie mourante un « populiste vulgaire et droitier ». Vous savez, vous Français, qu’ils ont fait la même chose avec de Gaulle en son temps. Ils ne voudront jamais comprendre cette leçon essentielle de l’histoire : ce sont les États faibles qui attirent la ruine, les guerres civiles et les régimes autoritaires. Trump ou d’autres dans le monde, comme Poutine en Russie par exemple, incarnent cette volonté de force et d’incarnation face à l’Histoire. Est-ce si répréhensible de vouloir vivre ?

FP : La société américaine a toujours semblé fracturée sur des thématiques de race, de genre, d’origine et d’identité. Les présidents américains sont-ils condamnés à ne pouvoir être les représentants que d’une certaine catégorie de la population contre les autres ?

PG : Au-delà de quelques extrémistes qui trouvent d’ailleurs des gens – pour ne pas dire des manipulateurs - pour les aider, les influencer, les utiliser et les jeter, les américains issus des minorités veulent être Américains avant tout parce que le patriotisme n’est pas une notion vaine ici, donc je suis plutôt confiant sur ce point. Le problème est bien plus large que cela. La question est davantage : est-ce que l’Amérique n’est qu’une sous-culture mondialisée ou est-elle une vraie nation consciente d’elle-même ? C’est cela l’enjeu.

FP : A la veille de l’élection américaine, pouvez-vous nous faire un court bilan de la présidence Trump ? Quelles sont selon vous ses chances de réélection ?

PG : Il n’a pas engagé les États-Unis dans de nouvelles guerres extérieures. En se concentrant sur la politique intérieure, il a géré ce qu’il a pu avec les moyens qui étaient les siens, le tout avec, dans son dos et sur ses côtes, une guérilla institutionnelle et médiatique de tous les instants qui a fragilisé nos institutions. Ensuite, le paléo-conservateur que je suis est obligé de remarquer qu’il n’a pas engagé une politique vraiment conservatrice. Pour ce qui est des élections, il est devenu très difficile, à l’heure actuelle et compte tenu des conditions exceptionnelles de vote (ndlr : le vote par correspondance pour cause de Covid-19), de faire une prédiction fiable. Je peux toutefois faire une remarque de fond : Trump en lui-même, en tant que personne, peut être vaincu mardi prochain, mais il n’est pas un accident de l’histoire américaine. A ce titre, les courants souterrains et la dynamique historique qui l’ont porté lui survivront.

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samedi, 31 octobre 2020

Gagner la guerre économique - Entretien avec Olivier de Maison-Rouge

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Gagner la guerre économique

Entretien avec Olivier de Maison-Rouge

 
La guerre économique est désormais une réalité bien connue, comprise et anticipée par de nombreuses entreprises. Pour la gagner il faut certes en prendre conscience mais aussi développer un certain nombre d'outils et de stratégies. C'est ce que nous présente Olivier de Maison-Rouge, docteur en droit, avocat, professeur à l'Ecole de guerre économique.  Emission présentée par Jean-Baptiste Noé.
 
 
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vendredi, 30 octobre 2020

L’échec spectaculaire de la campagne anti chinoise occidentale

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L’échec spectaculaire de la campagne anti chinoise occidentale

Par Joseph Thomas

Source New Eastern Outlook

Alors même que l’AFP tente de dépeindre une récente réunion des Nations Unies comme une prise de position historique contre ce qu’elle prétend être des violations des droits de l’homme par la Chine dans sa région du Xinjiang, ce même article souligne l’ampleur de l’échec et la diminution de l’influence occidentale en général.

Le titre de l’AFP est le suivant : « Près de 40 nations exigent de la Chine qu’elle respecte les droits des Ouïgours », et note que parmi ces « presque 40 nations″ se trouvent les États-Unis, la plupart des États membres de l’UE, l’Australie ainsi que le Japon et une poignée d’autres États clients occidentaux.

Voila ce que dit l’AFP :

Les États-Unis, le Japon et de nombreux pays de l'UE se sont joints 
mardi à un appel exhortant la Chine à respecter les droits de l'homme
de la minorité ouïgour, exprimant également leur inquiétude quant
à la situation à Hong Kong. "Nous demandons à la Chine de respecter les droits de l'homme, en
particulier les droits des personnes appartenant à des minorités
religieuses et ethniques, notamment au Xinjiang et au Tibet"
, a

déclaré l'ambassadeur allemand auprès des Nations unies, Christoph
Heusgen, qui a dirigé l'initiative lors d'une réunion sur les droits
de l'homme.

L’initiative, signée par 39 nations, a été contrée par une autre présentée par le Pakistan et signée par 55 nations, ainsi que par une autre présentée par Cuba et signée par 45 nations. Ce nombre de signatures est très éloquents à l’égard de la puissance décroissante de Washington et de son ordre international.

Malgré la campagne de propagande anti-chinoise menée par l’Occident et axée sur les abus présumés de la minorité ouïgour du Xinjiang, région à prédominance musulmane, pas une seule nation à majorité musulmane n’a soutenu l’initiative occidentale à l’ONU. En fait, de nombreuses nations à majorité musulmane sont venues à l’aide de la Chine. Il s’agit du Pakistan lui-même, de l’Iran et de la Syrie, mais aussi de l’Irak occupé par les États-Unis et même du Koweït, du Qatar, des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite. Même les nations ayant des conflits territoriaux avec la Chine dans la mer de Chine méridionale et un passé de tensions, notamment le Vietnam et les Philippines, ont soutenu Pékin.

L’Inde, bien que membre du projet anti-chinois « Quad » de Washington, s’est abstenue de signer l’une ou l’autre déclaration, comme un grand nombre d’autres nations clés qui tentent doucement de se réorienter à mesure que le pouvoir mondial se déplace de l’Ouest vers l’Est. Cela inclut la Turquie, membre de l’OTAN, qui a été pendant de nombreuses décennies un fidèle serviteur de l’hégémonie occidentale.

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Pourquoi personne ne s’intéresse à la croisade anti-chinoise de l’Occident ?

Il y a trois raisons principales pour lesquelles la majorité du monde n’est pas intéressée par cette campagne de propagande anti-chinoise menée par les États-Unis.

Premièrement, et c’est le plus important, cette campagne de propagande américaine est basée sur des allégations fabriquées de toutes pièces.

Comme beaucoup d’autres l’ont fait remarquer depuis des années, y compris les médias occidentaux eux-mêmes à un moment donné, la Chine a été confrontée à un problème de terrorisme très réel au Xinjiang. L’actuelle campagne de propagande menée par les États-Unis contre la Chine dépeint les mesures de sécurité et les campagnes de déradicalisation comme des « violations des droits de l’homme », tout en omettant totalement la violence qui les a rendues nécessaires au départ.

Pire encore, des preuves documentées exposent le fait que les États-Unis et leurs alliés étaient à l’origine des efforts visant à radicaliser les extrémistes ouïgours.
Toutes choses étant égales par ailleurs, les nations qui n’ont pas investi dans l’obsession de Washington d’encercler et de contenir la Chine ou qui n’en bénéficient pas n’ont aucune raison d’approuver une campagne de propagande fondée sur des allégations fabriquées de toutes pièces et résultant du séparatisme parrainé par les États-Unis et du terrorisme qui en découle.

En fait, en soutenant la campagne américaine contre la Chine, ils soutiendraient une ingérence qui pourrait un jour se retourner contre eux. La liste des nations que les États-Unis et leurs partenaires ont déjà détruites [ou essayent de détruire, NdT] au cours du seul XXIe siècle est considérablement longue et ne cesse de s’allonger.

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Deuxièmement, les États-Unis et leurs alliés occidentaux n’ont manifestement pas la capacité de contraindre les nations désintéressées à soutenir leur campagne de propagande anti chinoise en cours. Le manque de motivation des nations du monde à y adhérer et le manque de moyens de pression des États-Unis pour les forcer à le faire ont conduit la plupart des nations à soutenir ouvertement la Chine ou à éviter de prendre position.

La troisième est due à l’essor de la Chine. Ses relations internationales sont fondées sur des liens économiques et commerciaux plutôt que sur la force militaire, l’ingérence politique ou d’autres stratégies de « soft power » de l’Occident.

L’essor de la Chine signifie également l’essor de nombreuses nations qui font des affaires avec Pékin. Les projets d’infrastructure, les investissements, le tourisme et le commerce menés par les Chinois dans le monde entier stimulent les économies des nations désireuses de travailler avec la Chine d’une manière que l’Occident ne peut tout simplement pas concurrencer.

Afin de travailler avec la Chine, ces nations doivent contourner l’hostilité croissante de Washington envers la Chine et toutes les façons dont elle se manifeste, comme cette initiative « allemande » qui vient d’être lancée à l’ONU.
L’échec de la propagande du Xinjiang signifie l’échec total de la propagande américaine

Cette dernière initiative de l’ONU marque peut-être l’apogée de la campagne de propagande anti chinoise menée par Washington.

Cette initiative montre à quel point le reste du monde s’intéresse peu à cette campagne et les nombreux mensonges qui ont été révélés au grand jour sont la base de la campagne elle-même. Alors que la Chine poursuit la réintégration de Hong Kong dans le continent après avoir mis fin aux troubles financés par les États-Unis et qu’elle remplace les agitateurs soutenus par les États-Unis dans des endroits comme le Tibet par des progrès économiques, les États-Unis doivent inventer de nouvelles histoires pour attaquer la Chine.

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Mais si le monde ne s’intéresse pas aux mensonges des États-Unis concernant les « millions » de Ouïghours détenus et maltraités dans la région du Xinjiang en Chine, sachant parfaitement ce que font les États-Unis et pourquoi, il y a peu de chances que de nouveaux mensonges aient plus d’attrait dans un avenir proche.

Tant que la Chine restera fidèle à sa stratégie actuelle, qui consiste à apporter la croissance économique et la stabilité politique au monde face à la belligérance et à la coercition des États-Unis, sans avantages perceptibles pour les partenaires potentiels, cette tendance de l’Occident à perdre sa crédibilité, parallèlement au déclin de sa puissance politique, économique et même militaire, se poursuivra.

Ce n’est que lorsque les États-Unis et leurs partenaires restants seront prêts à se réorienter vers ce que le monde est en train de devenir plutôt que vers ce qu’ils souhaiteraient qu’il soit, qu’ils commenceront (comme tout le monde) à profiter pleinement des avantages d’un nouveau monde multipolaire où la souveraineté nationale et le progrès économique, étayés par un équilibre des pouvoirs plus équitable, supplanteront la poursuite destructrice de l’hégémonie mondiale par l’Occident.

Joseph Thomas

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

 

Interview de Thomas Ferrier, leader du Parti des Européens

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« Une Europe qui ne serait pas européenne n’aurait aucun sens »

Interview de Thomas Ferrier, leader du Parti des Européens

Ex: https://barr-avel.blog

Nous proposons aujourd’hui à nos lecteurs une interview de Thomas Ferrier, leader du Parti des Européens et figure de l’européisme identitaire dans le monde francophone. Bien que nous ne partagions pas toutes ses options, il nous semblait intéressant de donner la parole à l’un de ceux qui luttent contre l’impasse souverainiste française.

  • Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et présenter votre parcours politique ?

Thomas FERRIER, 43 ans, dirigeant du Parti des Européens, seul mouvement européiste identitaire assumé. J’ai fait mes classes à proximité de la droite nationale sur un malentendu idéologique, avant de m’en détacher nettement. N’étant pas anti-européen mais au contraire intégralement pro-européen, n’étant pas spécialement catholique puisque païen revendiqué, ne pensant pas que Clovis a créé la France, condamnant l’utilisation de troupes coloniales par la France en 14/18 et 39/45 et la colonisation elle-même, qui a ruiné la France, ce qui m’a valu récemment de perdre ma place sur Radio Courtoisie, j’ai compris l’impasse politique représentée par la fameuse « mouvance » comme ses partisans ont tendance à l’appeler.

  • Vous animez le LPE (Le Parti des Européens), un parti politique (re)fondé en 2016 sur les cendres du PSUNE (Parti socialiste unitaire national-européen). Quels sont les propositions phares du parti et qu’en est-il aujourd’hui de l’implantation du parti à l’échelle européenne ?

La position du LPE est très originale et susceptible potentiellement d’unir l’électorat des deux droites et de mordre sur le centre. Nous défendons en effet une Europe politique bien plus ambitieuse que celle prônée par Emmanuel Macron, démentie chaque jour par ses actes. Nous prônons un Etat européen unitaire se substituant aux Etats existants afin de ne pas avoir à hériter juridiquement et politiquement de leurs trahisons vis-à-vis des peuples qu’ils auraient dû protéger et qu’ils ont livrés au péril migratoire et à la globalisation économique, et maintenant épidémique.

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Mais une Europe qui ne serait pas européenne n’aurait aucun sens. Si l’Europe ne pourrait être qu’une étape aux yeux des euro-mondialistes, pour nous elle est au contraire une finalité et un destin. Les « droites nationales » n’existent que par leur refus, de plus en plus tiède d’ailleurs, de l’immigration post-coloniale et extra-européenne, principalement musulmane mais surtout planétaire. Associer l’Europe politique et la mise en place de processus remigratoires destinés à restaurer l’européanité de l’Europe, c’est unir l’électorat de la droite pro-européenne (pro-€ et pro-intégration) et l’électorat de la droite nationale (anti-immigration).

Le LPE n’est pas connu en dehors de la France aujourd’hui ou à la marge, même si des sections en Albanie, en Suisse et en Russie notamment sont envisagées du fait de soutiens d’un certain nombre de gens de valeur sensibles à notre discours dans ces deux pays. Il est ironique d’ailleurs de souligner que ces pays sont hors de l’UE actuelle, car le LPE se veut un parti de tous les Européens, et pas seulement de ceux de l’UE. Mais nous avons besoin d’une réelle émergence médiatique en France pour pouvoir l’imaginer chez nos voisins. De fait, il faudra bien un Piémont pour démarrer.

  • Quel regard portez-vous sur le Rassemblement National ? Un parti d’opposition peut-il exister à l’heure où le RN s’impose comme leader dans le domaine en France ?

Je considère que le Rassemblement National (ex-Front National) a représenté une véritable duperie, un leurre pour les électeurs qui lui ont fait confiance. Sa mise en avant par Mitterrand était destinée à diviser la droite, et surtout Jean-Marie Le Pen a été son propre bourreau en cédant à la stratégie des bons mots et des provocations stériles sur des sujets mémoriels délicats n’intéressant personne, y compris ses propres électeurs.

Si Jean-Marie Le Pen représentait, malgré sa culture et son talent rhétorique, une impasse, que dire alors de Marine Le Pen qui est dans la même impasse stratégique, mais sans les deux talents susmentionnés. Elle navigue à vue, entouré de courtisans fielleux et de partisans aveugles, après un lamentable débat de second tour en 2017.

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Sa stratégie de dédiabolisation, qui est un échec total, l’amène à avoir aseptisé son discours au moins de le rendre indigeste. Mais elle est sauvée par Macron, qui voit en elle son meilleur adversaire pour sa réélection, et par des media qui continuent de la diaboliser, malgré toutes ses reptations idéologiques. Son soutien aux DOM, Mayotte en tête, comme caution anti-raciste, est pathétique. Elle a renoncé à envisager toute restauration du caractère européen de la France, reprenant les antiennes soraliennes, l’antisémitisme en moins certes. C’est la réconciliation de la carpe et du lapin autour de « l’amour de la France », slogan incantatoire vide de sens. Ainsi, en juillet 2020, explique-t-elle défendre les millions de français d’origine non-européenne contre une minorité nocive. C’est résumer la question au seul prisme sécuritaire et passer la question identitaire sous le boisseau.

Le RN ne s’impose pas. Il est imposé. La gauche est en lambeaux, la droite est en pièces. Par défaut, le RN est la seule opposition, opposition nominale car fondamentalement factice. Marine Le Pen n’a jamais cherché à gagner car elle se sait incapable de gouverner. Mais elle cherche en revanche à maintenir cette rente électorale, qui offre bien des avantages, sans avoir à en assumer les conséquences.

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Un homme nouveau peut-il émerger en vue des élections présidentielles ? Je reste sceptique. On aura toujours à peu près les mêmes. Seul Yannick Jadot (EELV), mais il en est loin, pourrait éventuellement représenter le troisième homme et griller de justesse Macron ou Marine Le Pen, mais j’en doute. Son parti est davantage un boulet à traîner qu’un renfort. Le jeu des élections nationales semble verrouillé mais est-il le véritable enjeu ?

  • Voyez-vous les signes d’un réveil identitaire en Europe aujourd’hui ?

Les populismes de droite progressent et régressent en sinusoïde et en décalé. La Lega en Italie a eu le vent en poupe mais régresse dans les sondages. Le DFP danois est moribond. L’AfD est en crise interne depuis des mois. La droite nationale a disparu en Grèce, en Bulgarie, en Roumanie et dans bien d’autres pays. Certes les Démocrates Suédois sont forts en ce moment, les Vrais Finlandais aussi. Au Royaume-Uni, le « fake nationalism » de UKIP a tout détruit avant de disparaître lui-même. S’il y a un réveil identitaire, c’est en dehors des partis populistes. Or en effet je pense que les Européens sont de plus en plus conscients du péril migratoire et démographique, mais ils ne veulent pas pour autant cautionner des idéologies réactionnaires et europhobes sous prétexte que le Système leur a laissé le monopole de la dénonciation de l’immigration. C’est l’europhobie (en France) ou le cléricalisme (en Pologne) qui décrédibilisent ce courant politique.

  • Envisagez-vous de présenter des candidats aux prochaines élections européennes ?

Si les moyens financiers et humains sont suffisants, et si nous avons pu émerger médiatiquement même à la marge, oui.

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  • Que vous évoque la récente décapitation de Samuel Paty ?

Que la civilisation européenne a été trop permissive depuis 1968 et découvre que l’homme n’est pas bon par nature. Le rêve rousseauiste tourne au cauchemar. Être enseignant en 2020 est un métier compliqué, avec le sentiment d’une hiérarchie pleutre qui cherche à éviter les « vagues ». Et peut mener à l’horreur dont cet enseignant courageux de 47 ans a été la victime, son seul tort aux yeux des fanatiques ayant été d’illustrer concrètement la nécessaire liberté d’opinion et d’expression, fondement de toute démocratie, deux libertés essentielles que même les gouvernements d’Europe occidentale ont tendance à trop souvent vouloir limiter.

  • Peut-on encore changer quelque chose à la situation en France ?

Oui mais pas en restant dans le cadre politique français. Pour guérir la France, il faut bâtir l’Europe unie.

  • Quel regard portez-vous sur la Bretagne et le monde celtique en général ?

Comme la plupart des Français, j’ai une grande part de Gaulois en moi. Mais le gaulois comme langue a disparu au cours du VIème siècle, sous le double coup de la romanisation et de la christianisation. On ne pourra pas le ranimer. Mais on peut en revanche chérir les langues celtiques qui nous rattachent à sa mémoire, et en premier lieu le breton (brezhoneg), qui est assez proche du gallois (cymraeg). Je trouve que la renaissance de la langue cornique en Cornouaille britannique (Kernow) est admirable.

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Je possède pour ma part le dictionnaire breton/français du grand Roparz Hemon. C’est une mine remarquable d’information et de termes, comme drouiz (« le druide »), parmi des milliers d’exemples. On découvre un breton riche et beau, qui donne envie de l’apprendre malgré sa relative complexité. J’avoue que les grammaires de gallois et de gaélique m’effraient parfois à cause de cela. Mais les langues celtiques sont admirables, magnifiques à l’écoute, et je soutiens l’extension maximale de l’apprentissage du breton en Bretagne.

Dans l’Europe Nation, la Bretagne aussi est une nation. Breizh Bro. Tous ceux qui comme vous œuvrent à la défense et à l’illustration des langues celtiques, de la culture celtique, voire de la tradition druidique authentique (je pense à l’éminente revue « Message du Groupe druidique des Gaules » ou à la vieille revue de jadis « Nemeton »), lorsqu’elle n’est pas polluée de délires New Age bien entendu.

  • Comment suivre ou soutenir le Parti des Européens ?

Le LPE utilise les moyens modernes de communication, à défaut de pouvoir accéder aux grands media télévisés qui restent essentiels pour se faire connaître. Il est donc présent par la chaîne youtube « Thomas Ferrier », par le canal telegram (http://t.me/LePartiDesEuropeens), par mon compte twitter (@ThFerrier) ou celui du parti (@PDesEuropeens), par mon blog (http://thomasferrier.hautetfort.com) et par le site du parti (http://psune.fr) où vous pourrez retrouver le programme du parti. Ce dernier est également traduit en anglais, espagnol et italien, et bientôt en russe.

Alexandre Del Valle : "La Turquie s'attaque à la France parce qu'elle est faible"

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Alexandre Del Valle : "La Turquie s'attaque à la France parce qu'elle est faible"

 
 
Avec Alexandre Del Valle, Géopolitologue, enseignant, directeur de recherche au Multipolar World Institute de Bruxelles et au CF2R. Actualité, politique, invités...
 
Du lundi au vendredi, de 12h à 13h20, retrouvez André Bercoff dans tous ses états.
 

jeudi, 29 octobre 2020

Bélarus. L’appel de l’opposition à une « grève générale pour paralyser le pays » ne parvient pas à convaincre les travailleurs

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Bélarus. L’appel de l’opposition à une « grève générale pour paralyser le pays » ne parvient pas à convaincre les travailleurs

Par Moon of Alabama

Le 30 avril 2019 au Venezuela, un certain Random Guyaidó était pris au piège d’une tentative de coup d’État qui s’était transformé en farce lorsque les troupes qu’il avait espéré voir le soutenir ne se sont pas présentées :

La tentative de coup d'État s'est déroulée dans un couloir de 500 x 200 mètres, 
sans que rien de significatif ne se produise en dehors de ce couloir. Un dangereuse
propagande, mais jusqu'à présent rien de plus que cela. Cette légère modification de l’image de Guaidó et López ci-dessous semble appropriée.
Ces mecs ne sont que des comiques, des héros de fantaisie à la noix.

On aurait pu penser que l’échec d’une telle farce aurait mis fin aux tentatives de changement de régime similaires soutenues par l’« Occident ».

Ce n’est malheureusement pas le cas.

En juin 2020, il est devenu évident qu’une révolution de couleur dirigée par les États-Unis était planifiée pour renverser le président biélorusse Loukachenko. Cela s’est produit comme d’habitude après que les résultats des élections ont été mis en doute. Mais quelques jours plus tard, il est devenu évident que la tentative avait échoué :

Alors que le président Alexandre Loukachenko affirmait avoir remporté 80% des voix 
lors de l'élection de dimanche dernier, la candidate "occidentale" Svetlana Tikhanovskaya
affirmait avoir gagné. (Si ces 80 % sont certainement trop élevés, il reste très probable
que Loukachenko ait été le véritable vainqueur). Des protestations et des émeutes ont suivi. Mardi, Mme Tikhanovskaya s'est vu dire en termes très clairs de quitter le pays.
Elle est allée en Lituanie.

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Loukachenko a alors conclu un accord avec la Russie qui lui a promis une protection en échange de progrès dans la création d’un État de l’Union Russie-Biélorussie.

Même l’Atlantic Council, organe proche de l’OTAN, admettait que la tentative de coup d’État avait échoué :

L'auteur conclut à juste titre :

"La résistance du régime de Loukachenko se renforce de jour en 
jour. La Russie semblant désormais soutenir fermement Loukachenko,
des rassemblements photogéniques et des grèves sporadiques ne
suffiront pas à provoquer un changement historique."
C'est fini. Les "grèves sporadiques" n'ont jamais été de véritables actions syndicales.

Quelques journalistes de la télévision d'État biélorusse se sont mis en grève. Ils
ont été licenciés sans cérémonie et remplacés par des journalistes russes. Quelques
centaines d'ouvriers de l'usine de tracteurs MTZ de Minsk ont tenté une grève. Mais
MTZ compte 17 000 employés et les 16 500 autres qui n'ont pas quitté leur poste savent
très bien pourquoi ils ont encore leur travail. Si Loukachenko venait à tomber, il est
très probable que leur entreprise d'État serait vendue pour quelques centimes et remis
immédiatement "à la bonne taille", ce qui signifie que la plupart d'entre eux seront
au chômage. Au cours des 30 dernières années, ils ont vu cela se produire dans tous
les pays autour du Bélarus. Ils n'ont pas envie d'en faire l'expérience eux-mêmes. Lundi, le leader du mouvement de grève à MTZ, un certain Sergei Dylevsky, a été arrêté
alors qu'il cherchait à provoquer d'autres grèves. Dylevsky est membre du Conseil de
coordination autoproclamé de l'opposition qui exige des négociations sur la présidence.
D'autres membres du conseil ont été convoqués pour être interrogés par les enquêteurs
de l’État dans le cadre d'une affaire pénale contre le conseil.

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Pendant ce temps, la malheureuse candidate de l'opposition, Svetlana Tsikhanouskaya, 
qui a faussement prétendu avoir gagné les élections, est toujours en Lituanie. Elle est
censée être professeur d'anglais, mais elle a des difficultés à lire les textes en anglais,
ce qui l'oblige à demander un soutien "occidental" (vidéo). Elle a déjà rencontré plusieurs
hommes politiques "occidentaux", dont Peter Zeimiag, le secrétaire général du parti de
l'Union chrétienne-démocrate allemande, parti de la chancelière Angela Merkel, et le
secrétaire d'État adjoint américain Stephen Biegun. Aucun des deux ne pourra l'aider.

Malgré son manque évident de soutien populaire, Svetlana Tikhanovskaya, comme Juan Guaidó au Venezuela, a été exhortée à faire une nouvelle tentative.

Il y a deux semaines, elle a eu le courage de lancer un ultimatum à Loukachenko pour qu’il démissionne :

Mardi, le leader de l'opposition biélorusse en exil a donné au président Alexandre 
Loukachenko un délai de deux semaines pour démissionner, mettre fin à la violence et
libérer les prisonniers politiques, avertissant qu'il serait sinon confronté à une
grève générale paralysant le pays. Svetlana Tikhanovskaya, qui affirme être la véritable gagnante des élections du 9 août,

a lancé un "ultimatum du peuple", exigeant que Loukachenko quitte le pouvoir avant le
25 octobre et mette fin à la "terreur d'État" déclenchée par les autorités contre les
manifestants pacifiques. "Si nos demandes ne sont pas satisfaites d'ici le 25 octobre, le pays tout entier
descendra pacifiquement dans la rue"
, a-t-elle déclaré dans une déclaration publiée

en Lituanie, où elle est actuellement en exil après avoir quitté le Belarus à la suite
des élections. "Et le 26 octobre, une grève nationale commencera dans toutes les entreprises, toutes
les routes seront bloquées et les ventes dans les magasins d'État s'effondreront"
, a-t-elle

déclaré. "Vous avez 13 jours."

Le 25 octobre, il y a effectivement eu une autre manifestation de taille moyenne à Minsk. Mais ceux qui y ont participé faisaient partie de la classe moyenne supérieure et les personnes les plus aisées, et non les travailleurs de l’industrie et les agriculteurs qui constituent la majorité du peuple biélorusse.

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Mais la grève générale annoncée pour hier n’a eu que peu ou pas de participants :

"Aujourd'hui, la grève du peuple commence - la prochaine étape pour les Biélorusses vers 
la liberté, la fin de la violence et de nouvelles élections"
, a déclaré Mme Tikhanovskaya

lundi. "Les Biélorusses savent que l’objectif principal du 26 octobre est de montrer que
personne ne travaillera pour le régime".
Cependant, malgré la vue de grandes colonnes de manifestants dans les rues - et le

sentiment que la protestation a retrouvé une partie de l'élan qu'elle avait perdu
ces dernières semaines - il n'y a eu aucun signe d'un nombre significatif de travailleurs
dans les usines contrôlées par l’État qui se soient joints à la grève pendant une période
prolongée. ... À l'usine de tracteurs de Minsk, l'une des grandes usines qui font la fierté de l'économie

néo-soviétique de Loukachenko, la plupart des travailleurs semblaient pointer normalement
pour l'équipe du lundi matin. Le leader d'une grève précédente à l'usine en août a été forcé de fuir le pays sous
la pression des autorités, et de nombreux travailleurs craignent des représailles pour
avoir fait grève. Tout au plus, certains travailleurs ont brièvement exprimé leur soutien
à la protestation avant ou après leur quart de travail, mais n'ont pas réellement refusé
de travailler.

Quelques centaines d’étudiants venant de certaines universités ont séché les cours et se sont promenés dans les rues. Mais les travailleurs ont continué à travailler. Aucune route n’a été bloquée. La circulation dans les magasins était normale.

Les travailleurs des industries d’État savent très bien que la plupart d’entre eux se retrouveront sans emploi et pauvres si l’opposition néolibérale, soutenue par l’« Occident », prend le pouvoir en Biélorussie. Tout serait privatisé pour quelques centimes et remis « à la bonne taille » par des licenciements massifs. Ils ont vu cela se produire encore et encore dans chacun de leurs pays voisins.

Juan Guaido a déclaré un coup d’État sans s’être assuré que les soldats qu’il attendait se présenteraient. Les soldats savaient qu’il n’était pas dans leur intérêt de le suivre.

Svetlana « Guaidoskaya » a déclaré une grève générale sans comprendre que les travailleurs auxquels elle faisait appel n’étaient pas intéressés par ses projets néo-libéraux. Le fait qu’elle, ou ses responsables, aient même tenté de provoquer une grève montre à quel point ils ne comprennent pas les véritables préoccupations des travailleurs.

La Biélorussie, comme le Venezuela, a un gouvernement et un système qui est soutenu par la majorité de sa population. Aucun des deux pays ne changera de régime sans une intervention militaire organisée par l’étranger. Ce n’est pas demain la veille.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

Deux aspects non visibles de la géopolitique

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Deux aspects non visibles de la géopolitique

Par Alastair Crooke

Source Strategic Culture

Au niveau visible, la lutte géopolitique actuelle concerne le maintien de la primauté du pouvoir américain ; le pouvoir financier étant un sous-facteur de ce pouvoir politique. Carl Schmitt, dont les réflexions ont eu une telle influence sur Leo Strauss et sur la pensée américaine en général, préconisait que ceux qui ont le pouvoir doivent « l’utiliser ou le perdre ». L’objectif premier de la politique est donc de préserver son « existence sociale ».

Mais à un niveau moins visible, le découplage technologique vis-à-vis de la Chine est un aspect implicite d’une telle stratégie (camouflé sous le slogan de la récupération des emplois et de la propriété intellectuelle « volés » aux États-Unis) : L’objectif que l’Amérique cherche réellement à atteindre est de s’accaparer, au cours des prochaines décennies, toutes les normes mondiales en matière de technologie de pointe, et de les refuser à la Chine.

Ces histoires de normes peuvent sembler obscures, mais elles sont un élément crucial de la technologie moderne. Si la guerre froide était dominée par une course à la construction du plus grand nombre d’armes nucléaires, la lutte actuelle entre les États-Unis et la Chine, ainsi que vis-à-vis de l’UE, se jouera, au moins en partie, par une lutte pour contrôler l’établissement de normes bureaucratiques qui se cache derrière les industries les plus importantes de l’époque. Et ces normes sont encore à établir.

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La Chine s’est depuis longtemps positionnée stratégiquement pour lutter dans cette « guerre » des normes technologiques (voir « les normes chinoises 2035 », un plan directeur pour la gouvernance de la cybernétique et des datas).

Le même argument est valable pour les chaînes d’approvisionnement qui sont maintenant au centre d’une lutte acharnée qui a des implications majeures pour la géopolitique. Il est difficile et onéreux de démêler le rhizome des chaînes d’approvisionnement construites au cours de décennies de mondialisme : Les multinationales qui vendent sur le marché chinois n’ont pas d’autre choix que d’essayer de rester sur place. Toutefois, si le découplage, qui est un élément clé de la politique étrangère américaine, persiste, des produits allant des serveurs informatiques aux iPhones d’Apple pourraient se retrouver avec deux chaînes d’approvisionnement distinctes, l’une pour le marché chinois et l’autre pour une grande partie du reste du monde. Ce sera plus coûteux et moins efficace, mais c’est la voie que la politique prend (du moins pour l’instant).

Où en sommes-nous dans cette lutte pour le découplage ? Jusqu’à présent, c’est assez confus. Les États-Unis se sont concentrés sur le découplage de certaines technologies de pointe (qui ont également un double potentiel de défense civile). Mais Washington et Pékin sont restés à l’écart du découplage financier (jusqu’à présent), car Wall Street ne veut pas perdre un commerce financier bilatéral de 5 000 milliards de dollars.

Il y a quelques années, lors de leurs déplacements en Europe, les passagers devaient généralement sortir d’un train lorsqu’ils atteignaient la frontière, et passer à un autre train et à d’autres wagons, au-delà de la frontière. Cette pratique existe toujours. Les chemins de fer fonctionnaient sur des voies à écartement totalement différent. Nous n’avons pas encore atteint ce point là en technologie. Mais l’avenir risque de devenir plus complexe, et plus coûteux, si l’Europe, les États-Unis et la Chine adoptent des protocoles différents pour la 5G. Cette technologie, avec sa faible latence, permet d’extraire et de modéliser en temps quasi réel des données très diverses (un facteur qui change la donne pour les systèmes de ciblage de missiles et de défense aérienne, où chaque milliseconde compte).

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Il est donc possible que la 5G soit divisée en deux systèmes concurrents pour refléter les différentes normes américaines et chinoises ? Pour que des étrangers puissent entrer en concurrence, il pourrait être nécessaire de fabriquer des équipements distincts pour ces différents protocoles. Une certaine division est également possible dans le domaine des semi-conducteurs, de l’intelligence artificielle et dans d’autres domaines où la rivalité entre les États-Unis et la Chine est intense. Pour l’instant, les infrastructures russes et iraniennes sont pleinement compatibles avec la Chine. L’Occident n’est pas encore un « système séparé » ; il peut encore travailler avec l’Iran et la Russie, mais la double fonctionnalité dans la sphère technologique coûtera néanmoins, et nécessitera probablement, des aménagements juridiques minutieux, afin d’éviter toute sanction légale ou réglementaire.

Et pour être clair, la bataille pour l’influence sur les normes technologiques est distincte de la « guerre réglementaire » dans laquelle les données, l’IA et les éco-sphères réglementaires sont « balkanisées ». L’Europe est presque inexistante dans la sphère analytique du Cloud, mais elle essaie de rattraper rapidement son retard. Elle doit le faire. La Chine est tellement en avance que l’Europe n’a pas d’autre choix que de se frayer un chemin au bulldozer dans cet espace, c’est-à-dire en « réglementant » les activités américaines dans le Cloud (déjà sous la menace de lois anti-trust) vers l’Europe.

Les entreprises du cloud fournissent à leurs clients un espace de stockage de données, mais aussi des outils sophistiqués pour analyser, modéliser et comprendre les vastes ensembles de données qui se trouvent dans le Cloud. La taille même des ensembles de données modernes a déclenché une explosion de nouvelles techniques pour en extraire des informations. Ces nouvelles techniques sont rendues possibles par les progrès constants de la puissance et de la vitesse de traitement des ordinateurs, ainsi que par l’agrégation de la puissance informatique pour améliorer les performances (connue sous le nom de calcul haute performance, ou HPC).

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Nombre de ces techniques (« extraction de datas », « apprentissage machine », ou IA) font référence au processus d’extraction d’informations à partir de données brutes. L’apprentissage machine fait référence à l’utilisation d’algorithmes spécifiques pour identifier des modèles dans les données brutes et présenter ces données sous forme de modèle. Ces modèles peuvent ensuite être utilisés pour faire des déductions sur de nouveaux ensembles de données ou pour guider la prise de décision. Le terme « Internet des objets » (IoT) fait généralement référence à un réseau d’ordinateurs et de dispositifs physiques connectés qui peuvent générer et transmettre automatiquement des données sur des systèmes physiques. Le « système nerveux » qui sert à la « messagerie corporelle » sera de type 5G.

L’UE réglemente déjà les Big Data ; elle a l’intention de réglementer les plate-formes américaines de Cloud ; et elle cherche à établir des protocoles européens pour les algorithmes (afin de refléter les objectifs sociaux et les « valeurs libérales » de l’UE).

Toutes les entreprises qui dépendent de l’analyse et de l’apprentissage machine dans le Cloud seront donc touchées par cette fragmentation réglementaire en sphères distinctes. Bien entendu, les entreprises ont besoin de ces capacités pour faire fonctionner efficacement la robotique et les systèmes mécaniques complexes, et pour réduire les coûts. L’analytique a permis d’énormes gains de productivité. Accenture estime que l’analytique pourrait à elle seule générer jusqu’à 425 milliards de dollars de valeur ajoutée, d’ici 2025, rien que pour l’industrie du pétrole et du gaz.

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Ce sont les États-Unis qui ont déclenché ce cycle de découplage, mais la conséquence de cette décision initiale est qu’elle a incité la Chine à répondre par son propre découplage des États-Unis, dans le domaine des technologies de pointe. L’intention de la Chine n’est plus simplement de perfectionner et d’améliorer la technologie existante, mais de faire passer les connaissances existantes à un autre niveau technologique (par exemple en découvrant et en utilisant de nouveaux matériaux qui dépassent les limites actuelles de l’évolution des microprocesseurs). [Technologie quantique, NdSF]

Ils pourraient bien réussir, dans les trois prochaines années environ, étant donné les énormes ressources que la Chine consacre à cette tâche (c’est-à-dire aux microprocesseurs). Cela pourrait modifier l’ensemble du calcul technologique, et accorder à la Chine la primauté sur la plupart des domaines clés de technologie de pointe. Les États ne pourront pas facilement ignorer ce fait, qu’ils prétendent ou non « aimer » la Chine.

Ce qui nous amène au deuxième domaine non visible de cette lutte géopolitique. Jusqu’à présent, les États-Unis et la Chine ont largement séparé la finance du découplage principal. Mais un changement substantiel est peut-être en cours : Les États-Unis et plusieurs autres États expérimentent des monnaies numériques émises par leurs banques centrales, et les plateformes internet FinTech commencent à supplanter les institutions bancaires traditionnelles. Pepe Escobar remarque :

Donald Trump réfléchit à des restrictions sur Ant's, Alipay et d'autres plateformes 
de paiement numérique chinoises comme Tencent Holdings... et, comme pour
Huawei, l'équipe de Trump prétend que les plateformes de paiement numérique
de Ant's menacent la sécurité nationale des États-Unis. Il est plus probable que
Trump s'inquiète de ce que Ant menace l'avantage bancaire mondial que les
États-Unis considèrent depuis longtemps comme acquis.

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L'équipe Trump n'est pas la seule. Le gestionnaire de fonds spéculatifs 
américain Kyle Bass, de Hayman Capital, affirme que Ant et Tencent sont
"des dangers visibles et actuels qui menacent la sécurité nationale des
États-Unis plus que tout autre problème"
. Bass estime que le Parti communiste chinois pousse son système de
paiement numérique en yuan vers environ 62% de la population mondiale
d'une manière qui menace l'influence de Washington. Ce qui a commencé
comme un simple service de paiement en ligne s'est depuis fortement
transformé en une véritable jungle de services financiers. C’est en train
de devenir une véritable locomotive en matière de prêts, de polices
d'assurance, de fonds communs de placement, de réservation de voyages
et de toutes les synergies multi plate-formes permettant de réaliser des
ventes et des économies d'échelle. À l'heure actuelle, plus de 90 % des utilisateurs d'Alipay utilisent l'application
pour d'autres raisons que le simple paiement. Cela "crée effectivement un
écosystème en boucle fermée où il n'est pas nécessaire que l'argent quitte
l'écosystème du portefeuille"
, explique l'analyste Harshita Rawat de Bernstein
Research.

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Rawat note que Ant a "utilisé son service de paiement comme une source 
d'acquisition d'utilisateurs pour construire des fonctionnalités de services
financiers plus larges"
. Il s'agit notamment de trouver des moyens de croiser
l’ambition de Ant de devenir le centre de services financiers de la Chine avec
celle d'Alibaba de devenir le principal bazar en ligne... Étant donné que de nombreux Chinois ont déjà téléchargé l'application Alipay,
le PDG Eric Jing envisage d'exporter son modèle à l'étranger. Il collabore avec
neuf start-ups de la région, dont GCash aux Philippines et Paytm en Inde. Ant
prévoit d'utiliser le produit de sa cotation en bourse pour accélérer son pivot
vers l'étranger.

Le point ici est double : La Chine est en train de préparer le terrain pour défier un dollar papier, à un moment sensible de faiblesse du dollar. Et deuxièmement, la Chine met en place une politique de « fait accompli », en façonnant les normes de bas en haut, grâce à l’adoption généralisée de sa technologie à l’étranger.

Tout comme Alipay fait d’énormes percées en Asie, le projet chinois « Smart Cities » diffuse les normes chinoises, précisément parce qu’elles intègrent de nombreuses technologies : Systèmes de reconnaissance faciale, analyse de données volumineuses, télécommunications 5G et caméras IA. Toutes représentent des technologies pour lesquelles les normes restent à définir. Ainsi, les « villes intelligentes », qui automatisent de multiples fonctions municipales, contribuent également à l’évolution des normes chinoises.

Selon les recherches de RWR Advisory, un cabinet de conseil basé à Washington, les entreprises chinoises ont conclu 116 accords pour installer des systèmes de « ville intelligente » et de « ville sûre » dans le monde entier depuis 2013, dont 70 dans des pays qui participent également à l’initiative « Nouvelle Route de la soie ».

La principale différence entre les équipements pour villes « intelligentes » et « sûres » est que le second est principalement destiné à l’enquête et au suivi de la population, tandis que le premier vise principalement à automatiser les fonctions municipales tout en intégrant des fonctions de surveillance. Des villes d’Europe occidentale et méridionale ont signé au total 25 projets de ce type.

Mark Warner, vice-président Démocrate de la commission du renseignement du Sénat américain, voit la menace chinoise en termes très clairs : Pékin a l’intention de contrôler la prochaine génération d’infrastructures numériques, dit-il, et, ce faisant, d’imposer des principes « contraires aux valeurs américaines ». « Au cours des 10 à 15 dernières années, le rôle de leader [des États-Unis] s’est érodé et notre influence pour établir des normes et des protocoles reflétant nos valeurs a diminué », déplore Warner : « En conséquence, d’autres, mais surtout la Chine, ont comblé ce vide pour promouvoir des normes et des valeurs qui profitent au parti communiste chinois ».

Tout indique que l’influence de la Chine sur les normes technologiques mondiales augmente. Mais il est tout aussi certain que la réaction de Washington s’intensifie. Si les États-Unis devenaient plus conflictuels, cela pourrait conduire la Chine à accélérer son évolution vers des alternatives parallèles. Il pourrait en résulter, à terme, une arène où les normes industrielles feraient doublon.

Alastair Crooke

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

lundi, 26 octobre 2020

Kris Roman rencontre Robert Steuckers sur le thème des grands axes de communication terrestre en Eurasie

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Kris Roman rencontre Robert Steuckers sur le thème des grands axes de communication terrestre en Eurasie

 
ВРЕМЯ ГОВОРИТЬ! РАЗГОВОР С КРИСОМ РОМАНОМ
 
Dans le talk show Время Говорить («Il est temps de parler»), Kris Roman reçoit des invités spéciaux qui expliquent au grand public leurs découvertes et leurs connaissances sur des sujets d'actualité. Dans cet épisode, enregistré le 17-10-2020, Robert Steuckers est notre invité. Les conflits au Haut-Karabakh, en Syrie, dans le Donbass, au Yémen et ailleurs montrent une tension accrue dans le monde. Robert Steuckers explique dans cet épisode de «Vremya Govorit» les différents intérêts ainsi que les axes eurasiens.
 

samedi, 24 octobre 2020

Les limites du pouvoir chinois

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Les limites du pouvoir chinois

Par Pepe Escobar

Source The Saker

En ce qui concerne les États-Unis et la Chine, tout dépend du résultat de la prochaine élection présidentielle américaine.

Trump 2.0 va surtout considérablement accélérer sa stratégie de découplage, visant à acculer la « vile » Chine par une guerre hybride à multiple fronts, à miner l’excédent commercial chinois, à coopter de larges pans de l’Asie, tout en insistant toujours pour caractériser la Chine comme le mal incarné.

L’équipe Biden, même si elle ne prétend pas vouloir tomber dans le piège d’une nouvelle guerre froide, selon le programme officiel du parti démocrate, ne serait que légèrement moins conflictuelle, « sauvant » ostensiblement « l’ordre fondé sur des règles » tout en maintenant les sanctions imposées par Trump.

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Très peu d’analystes chinois sont mieux placés que Lanxin Xiang pour étudier l’échiquier géopolitique et géoéconomique : expert des relations entre la Chine, les États-Unis et l’Europe, professeur d’histoire et de relations internationales à l’IHEID à Genève et directeur du Center for One Belt, One Road Studies à Shanghai.

Xiang a obtenu son doctorat au SAIS Johns Hopkins, et est aussi bien respecté aux États-Unis qu’en Chine. Au cours d’un récent webinaire, il a exposé les grandes lignes d’une analyse que l’Occident ignore, à ses propres risques et périls.

Xiang a mis l’accent sur la volonté de l’administration Trump de « redéfinir une cible extérieure » : un processus qu’il qualifie de « risqué, dangereux et hautement idéologique ». Non pas à cause de Trump – qui « ne s’intéresse pas aux questions idéologiques » – mais parce que « la politique chinoise a été détournée par les véritables guerriers de la Guerre Froide ». L’objectif : « un changement de régime. Mais ce n’était pas le plan initial de Trump ».

Xiang dévoile la logique qui sous-tend ces « guerriers du froid » : « Nous avons fait une énorme erreur au cours des 40 dernières années ». C’est-à-dire, insiste-t-il, « absurde – en relisant l’histoire, et en niant toute l’histoire des relations entre les États-Unis et la Chine depuis Nixon ». Et Xiang craint « l’absence de stratégie globale qui crée une énorme incertitude stratégique – et conduit à des erreurs de calcul ».

Pour aggraver le problème, « la Chine n’est pas vraiment sûre de ce que les États-Unis veulent faire ». Parce que cela va bien au-delà de l’endiguement – que Xiang définit comme une « stratégie très bien pensée par George Kennan, le père de la guerre froide ». Xiang ne détecte qu’un schéma de « civilisation occidentale contre une culture non caucasienne. Ce langage est très dangereux. C’est une reprise directe de Samuel Huntington, et montre très peu de place pour le compromis ».

En un mot, c’est la « façon américaine de tomber dans la guerre froide ».

La surprise d’octobre ?

Tout ce qui précède est directement lié à la grande inquiétude de Xiang concernant une éventuelle surprise d’octobre : « Cela pourrait probablement se produire à Taïwan. Ou un engagement limité en mer de Chine méridionale ». Il souligne que « les militaires chinois sont terriblement inquiets. Une surprise d’octobre comme engagement militaire n’est pas impensable, car Trump pourrait vouloir rétablir une présidence de guerre ».

Pour Xiang, « si Biden gagne, le danger d’une guerre froide tournant à la guerre chaude sera réduit de façon spectaculaire. » Il est tout à fait conscient des changements dans le consensus bipartite à Washington : « Historiquement, les Républicains ne se soucient pas des droits de l’homme et de l’idéologie. Les chinois ont toujours préféré traiter avec les Républicains. Ils ne pouvaient pas traiter avec les Démocrates – les droits de l’homme, les questions de valeurs. Maintenant, la situation est inversée ».

Xiang, d’ailleurs, « a invité un conseiller de haut niveau de Biden à Pékin. Très pragmatique. Pas trop idéologique ». Mais dans le cas d’une éventuelle administration Trump 2.0, tout pourrait changer : « Mon intuition est qu’il sera totalement détendu, il pourrait même inverser la politique de la Chine à 180 degrés. Je n’en serais pas surpris. Il redeviendrait le meilleur ami de Xi Jinping ».

Dans l’état actuel des choses, le problème est « un diplomate en chef qui se comporte comme un propagandiste en chef, profitant d’un président erratique ».
Et c’est pourquoi Xiang n’exclut jamais une invasion de Taïwan par les troupes chinoises. Il imagine le scénario d’un gouvernement taïwanais annonçant « Nous sommes indépendants », associé à une visite du secrétaire d’État : « Cela provoquerait une action militaire limitée, et pourrait se transformer en escalade. Pensez à Sarajevo. Cela m’inquiète. Si Taïwan déclare son indépendance, les Chinois l’envahissent en moins de 24 heures. “

Pékin fait-il des erreurs de calcul?

413iZy1UTfL.jpgContrairement à la plupart des universitaires chinois, Xiang fait preuve d’une franchise rafraîchissante sur les propres lacunes de Pékin : « Plusieurs choses auraient dû être mieux contrôlées. Comme l’abandon du conseil initial de Deng Xiaoping, selon lequel la Chine devrait attendre son heure et faire profil bas. Deng, dans son dernier testament, avait fixé un délai pour cela, au moins 50 ans ». Le problème est que « la rapidité du développement économique de la Chine a conduit à des calculs hâtifs et prématurés. Et une stratégie mal pensée. La diplomatie du « guerrier loup » est une attitude – et un langage – extrêmement affirmés. La Chine a commencé à contrarier les États-Unis – et même les Européens. C’était une erreur de calcul géostratégique ».

Et cela nous amène à ce que Xiang caractérise comme « l’extension excessive de la puissance chinoise : géopolitique et géoconomique ». Il aime citer Paul Kennedy : « Toute grande superpuissance, si elle est trop étendue, devient vulnérable. » Xiang va même jusqu’à affirmer que l’initiative des « Nouvelles routes de la soie » (NRS), dont il loue le concept avec enthousiasme, est peut-être dépassée : « Ils pensaient qu’il s’agissait d’un projet purement économique. Mais avec une portée mondiale aussi large ? »

Les NRS sont-elles donc un cas de surcharge ou une source de déstabilisation ? Xiang fait remarquer que « les Chinois ne s’intéressent jamais vraiment à la politique intérieure des autres pays. Ils ne sont pas intéressés par l’exportation d’un modèle. Les Chinois n’ont pas de véritable modèle. Un modèle doit être mûr, avec une structure. A moins qu’il ne s’agisse de l’exportation de la culture traditionnelle chinoise ».

Le problème, une fois de plus, est que la Chine pensait qu’il était possible de « se faufiler dans des zones géographiques auxquelles les États-Unis n’ont jamais trop prêté attention, l’Afrique, l’Asie centrale, sans nécessairement provoquer de réactions géopolitiques. C’était de la naïveté ».

Xiang aime rappeler aux analystes occidentaux que « le modèle d’investissement dans les infrastructures a été inventé par les Européens. Les chemins de fer. Le Transsibérien. Les canaux, comme au Panama. Derrière ces projets, il y a toujours eu une concurrence coloniale. Nous poursuivons des projets similaires – moins le colonialisme ».

Pourtant, « les planificateurs chinois se sont mis la tête dans le sable. Ils n’utilisent jamais ce mot – géopolitique. » D’où ses plaisanteries constantes avec les décideurs chinois : « Vous n’aimez peut-être pas la géopolitique, mais la géopolitique vous aime. »

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Demandez à Confucius

L’aspect crucial de la « situation post-pandémique », selon Xiang, est d’oublier « ce truc de guerrier-loup. La Chine pourrait être en mesure de relancer son économie avant tout le monde. Développer un vaccin vraiment efficace. La Chine ne devrait pas le politiser. Elle devrait montrer une valeur universelle à son sujet, poursuivre le multilatéralisme pour aider le monde, et améliorer son image ».

En matière de politique intérieure, Xiang est catégorique : « Au cours de la dernière décennie, l’atmosphère chez nous, sur les questions de minorités, sur la liberté d’expression, s’est resserrée au point de ne pas aider l’image de la Chine en tant que puissance mondiale ».

Observez cette situation, « l’opinion défavorable envers la Chine » dans une enquête sur les nations de l’Occident industrialisé qui ne comprend que deux pays asiatiques : le Japon et la Corée du Sud.

Et cela nous amène à l’ouvrage de Xiang, The Quest for Legitimacy in Chinese Politics, sans doute l’étude contemporaine la plus importante réalisée par un chercheur chinois capable d’expliquer et de combler le fossé politique entre l’Est et l’Ouest.

Ce livre est une telle percée que ses principales analyses conceptuelles feront l’objet d’une chronique complémentaire.

La thèse principale de Xiang est que « la légitimité dans la philosophie politique de la tradition chinoise est une question dynamique. Transplanter les valeurs politiques occidentales dans le système chinois ne fonctionne pas ».

recasting-the-imperial-far-east-britain-and-america-in-china-1945-50.jpgPourtant, même si le concept chinois de légitimité est dynamique, souligne Xiang, « le gouvernement chinois est confronté à une crise de légitimité ». Il fait référence à la campagne anti-corruption des quatre dernières années : « La corruption officielle généralisée, qui est un effet secondaire du développement économique, fait ressortir le mauvais côté du système. Il faut rendre hommage à Xi Jinping, qui a compris que si nous laissons cela se poursuivre, le PCC perdra toute légitimité ».

Xiang souligne comment, en Chine, « la légitimité est basée sur le concept de moralité – depuis Confucius. Les communistes ne peuvent pas échapper à cette logique. »

Avant Xi, personne n’osait s’attaquer à la corruption. Il a eu le courage de l’éradiquer et a arrêté des centaines de généraux corrompus. Certains ont même tenté deux ou trois coups d’État.

Dans le même temps, Xiang est catégoriquement opposé au « durcissement de l’atmosphère » en Chine en matière de liberté d’expression. Il mentionne l’exemple de Singapour sous Lee Kuan Yew, un « système autoritaire éclairé ». Le problème est que « la Chine n’a pas d’État de droit. Il y a cependant beaucoup d’aspects juridiques. Singapour est une petite ville-État. Comme Hong Kong. Ils ont juste repris le système juridique britannique. Cela fonctionne très bien pour cette taille. »

Et cela amène Xiang à citer Aristote : « La démocratie ne peut jamais fonctionner dans les grands pays. Dans les villes-États, elle fonctionne. » Et armés d’Aristote, nous entrons à Hong Kong : « Hong Kong avait un État de droit – mais n’a jamais eu de démocratie. Le gouvernement était directement nommé par Londres. C’est comme ça que Hong Kong fonctionnait en réalité – comme une dynamo économique. Les économistes néolibéraux considéraient Hong Kong comme un modèle. C’était un arrangement politique unique. Une politique du magnat. Pas une démocratie – même si le gouvernement colonial n’a pas gouverné comme une figure autoritaire. L’économie de marché a été déclenchée. Hong Kong était dirigée par le Jockey Club, HSBC, Jardine Matheson, avec le gouvernement colonial comme coordinateur. Ils ne se sont jamais souciés des gens en bas de l’échelle ».

Xiang note que « l’homme le plus riche de Hong Kong ne paie que 15 % d’impôt sur le revenu. La Chine a voulu conserver ce modèle, avec un gouvernement colonial nommé par Pékin. Toujours une politique de magnats. Mais maintenant, il y a une nouvelle génération. Des gens nés après la rétrocession – qui ne connaissent rien de l’histoire coloniale. L’élite chinoise au pouvoir depuis 1997 n’a pas prêté attention à la base et a négligé le sentiment de la jeune génération. Pendant toute une année, les Chinois n’ont rien fait. La loi et l’ordre se sont effondrés. C’est la raison pour laquelle les Chinois du continent ont décidé d’intervenir. C’est l’objet de la nouvelle loi sur la sécurité ».

Et qu’en est-il de l’autre acteur « malveillant » favori de l’autre côté du Beltway – la Russie ? « Poutine aimerait voir la victoire de Trump. Les Chinois aussi, jusqu’à il y a trois mois. La guerre froide était un grand triangle stratégique. Après le voyage de Nixon en Chine, les États-Unis se sont retrouvés au milieu, manipulant Moscou et Pékin. Maintenant, tout a changé ».

Pepe Escobar

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

vendredi, 23 octobre 2020

Charles Gave : "Comment Biden est utilisé par l'État profond américain"

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Charles Gave : "Comment Biden est utilisé par l'État profond américain"

 
 
 
Avec Charles Gave, financier, entrepreneur, et président de l’Institut des Libertés.
 
Actualité, politique, invités... Du lundi au vendredi, de 12h à 13h20, retrouvez André Bercoff dans tous ses états.
 

Le Grand jeu : l’art de dompter les éléments

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Le Grand jeu : l’art de dompter les éléments

Mais comment diable fait-il ? Pas plus tard qu’il y a une dizaine de jours, la MSN ne pouvait cacher sa joie, poussant des cris de victoire. Caucase, Biélorussie, Kirghizstan : les nuages s’amoncelaient sur le pourtour russe et Poutine était en grosse difficulté. Brzezinski était même prêt à sortir de sa tombe pour danser la polka, son Grand échiquier à la main. Sans compter l’affaire Navalny qui allait, cette fois c’était sûr ma bonne dame, stopper définitivement le démoniaque Nord Stream !

Et puis patatras…

L’Allemagne veut son gazoduc russe

La mascarade Navalny a accouché de sanctionnettes pour la forme tandis que le ministère des Affaires étrangère allemand, par la voix du pourtant peu russophile Heiko Maas, vient de déclarer que le gazoduc sera terminé, un point c’est tout. Le ton est même assez cinglant pour un euronouille : « Nous prenons nos décisions sur notre politique énergétique ici, en Europe. » Certes, ceux qui connaissent les aléas du South Stream ne pourront que sourire à cette affirmation péremptoire, mais ne gâchons pas le moment de gloire du vassal qui se lève enfin.

Si tous les doutes allemands ont été ainsi balayés, c’est aussi que Berlin pourrait bien avoir tourné casaque vis-à-vis d’Ankara. Frau Milka a eu, on le sait, les yeux de Chimène pour Erdogan pendant de longues années. Mais il semble que la Bundeskanzlerin et toute son équipe aient fini par en avoir assez de ses multiples provocations.

Le sultan joue là un jeu d’ailleurs bien maladroit. Son rêve de faire de la Turquie une plaque tournante énergétique au carrefour du Moyen-Orient, de la Caspienne et de l’Europe entre en collision avec son autre rêve, néo-ottoman celui-là. Les nuisances turques se multiplient et s’étendent, notamment dans des contrées qui fleurent bon le gaz et le pétrole en transit (pipelines azéris). Toute la zone qui entoure la Turquie commence à sentir dangereusement le souffre et le message a peut-être été compris du côté de Berlin : Ankara fait n’importe quoi et n’est pas fiable, tournons-nous définitivement vers les Russes.

La cote de la Russie monte en Arménie

Caucase, justement. Sur le terrain, les Turco-Azéris ont enfin réussi à progresser dans le sud du Haut-Karabagh, plaine propice à leur supériorité aérienne ; il n’en sera pas de même dans les montagnes. Quant aux autorités de l’enclave, elles ont intelligemment pris la Russie et l’Iran par les sentiments en proposant d’établir un centre de contre-terrorisme avec en vue, évidemment, les modérément modérés transférés par Ankara. S’il y a peu de chance de voir acceptée cette proposition venant d’un gouvernement non reconnu internationalement, Moscou et Téhéran n’ont en revanche aucune intention de voir un barbuland s’établir à leurs frontières. L’armée russe a d’ailleurs envoyé un petit message il y a quelques jours, bombardant à Idlib un camp d’entraînement de volontaires en partance pour l’Azerbaïdjan. Histoire d’établir une ligne rouge à ne pas franchir…

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Malgré les pertes considérables de part et d’autre, la portée du conflit est ailleurs. Eurasianet vient de publier un article extrêmement intéressant et, une fois n’est pas coutume pour cette officine proche du Washingtonistan, très objectif. La cote de Moscou est en train de monter en flèche en Arménie et des voix de plus en plus nombreuses regrettent que la “Révolution de velours”, ayant mené Nikol Pachinian au pouvoir, ait créé de la friture sur la ligne avec le grand frère russe.

Le bonhomme lui-même a toujours été assez ambigu. D’un côté, son gouvernement compte plusieurs personnalités ouvertement pro-occidentales issues du petit monde des ONG impériales et certains gestes (enquêtes criminelles ouvertes contre des compagnies russes et même contre le patron de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective) ont été fort mal perçus du côté du Kremlin.

Dans le même temps, il n’a jamais vraiment voulu rompre avec la Russie et a même apporté sa petite pierre à l’édifice de la dédollarisation comme nous le rapportions il y a six mois :

Dernier exemple en date, le premier ministre arménien Nikol Pachinian vient de proposer à Poutine de payer le gaz russe en roubles et non plus en dollars. Certes, rien n’étant gratuit en ce bas monde, l’initiative est sans doute la contrepartie à une demande de réduction du prix du gaz. Certes encore, ce n’est pas la petite Arménie qui bouleversera le marché financier international et les flux d’or bleu entre Moscou et Erevan sont anecdotiques si on les compare à d’autres.

Toutefois, la proposition, qui s’ajoute à des dizaines d’autres exemples de dédollarisation de par le monde, est symbolique, particulièrement de la part d’un leader que l’on soupçonnait vaguement d’être arrivé au pouvoir en 2018 par le biais d’une révolution qui fleurait bon son Soros.

En son temps, Pachinian voulait ni plus ni moins sortir de l’Union économique eurasienne si chère au Kremlin, accréditant l’idée qu’il était un pion de l’empire dans le petit pays caucasien. Aujourd’hui, il justifie sa proposition en des termes qui comblent d’aise l’ours : « On parle sans arrêt de la dédollarisation au sein de l’UEE mais nous payons toujours le gaz russe en dollars. Il serait plus logique de payer notre gaz en roubles au sein de cette organisation. »

Ambiguïté, donc, à laquelle le Kremlin répond par une égale ambiguïté. Les télés russes, très regardées en Arménie, prennent plutôt partie contre l’Azerbaïdjan, accusé d’avoir déclenché la guerre, tout en critiquant en creux Pachinian. La population du petit pays caucasien semble penser la même chose, que l’on pourrait résumer un peu vulgairement par un : en voulant prendre ses distances avec Moscou, Pachinian nous a mis dans la m…..

Les personnalités pro-occidentales semblent elles aussi revenir de leur mirage. L’exemple d’Edmon Marukian est frappant. Ancien partisan de la sortie de l’Union économique eurasienne, rien que ça, il ne jure aujourd’hui plus que par l’alliance russe : « J’ai parlé à plusieurs ambassadeurs occidentaux. L’un d’eux m’a dit « à la fin, c’est la géographie qui gagne » et a conseillé de demander l’aide russe. Ils pensent que seule la Russie peut nous aider (…) Si l’ambassadeur d’un pays qui a de mauvaises relations avec Moscou dit que seule la Russie peut nous aider, comment un Arménien (Pachinian, ndlr) vivant sur Terre ne peut le comprendre ? »

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Nous sommes en train d’assister à un virage à 180° parmi certaines franges dégrisées de l’élite arménienne. Un premier geste a eu lieu fin septembre, avec le limogeage du tout nouveau chef du Bureau de la Sécurité nationale, considéré comme anti-russe. Quant à la population, elle semble clairement en faveur d’un rapprochement avec Moscou ; d’après un sondage, le seul pays qui a vu sa cote de popularité augmenter après le début de la guerre est précisément la Russie.

Ainsi, avec ce numéro d’équilibriste consistant à soutenir Erevan en sous-main sans aller au-delà, à montrer par le biais de déclarations où son cœur penche (voir la mise au point un peu sèche de Lavrov « Nous n’avons jamais considéré la Turquie comme un allié stratégique ») tout en laissant Pachinian se rendre compte de l’impasse où il s’est engagé, l’ours est en train de récupérer doucement mais sûrement l’Arménie. Il faudra cependant qu’il siffle bientôt la fin de la récré afin de ne pas perdre ce crédit joliment acquis et ne pas, une nouvelle fois serait-on tenté de dire, se laisser rouler par le marchand de loukoums comme cela a été le cas à Idlib…

En Biélorussie, les sanctions européennes poussent un peu plus Minsk dans les bras de Moscou

En Biélorussie, le Kremlin contrôle jusqu’à présent la situation, comme nous l’avons montré dans plusieurs billets dont le dernier. Ne mettant pas tous ses œufs dans le même panier, il joue à la fois Loukachenko et, quoique plus discrètement, la carte d’une partie de l’opposition. Avec, en vue, une transition pacifique du pouvoir entre le moustachu et, au hasard, un certain Babariko par exemple.

Là comme ailleurs, tout est dans le dosage. Un soutien trop marqué à l’autocrate aliénerait clairement une partie de la population ; un soutien trop distant permettrait à l’empire de s’infiltrer dans les interstices.

En attendant, les sanctions européennes (sur les personnes seulement, précision importante) ont poussé Minsk un peu plus dans les bras de Moscou, notamment dans le domaine énergétique. On se rappelle les chantages homériques de Loukachenko réclamant, avec force frémissements de moustache, toujours plus de ristournes. Le bon temps semble bel et bien fini pour la partie biélorusse qui n’a plus trop le courage de négocier…

L’entregent de l’ours au Kirghizistan

Envolons-nous pour finir vers l’Asie centrale, région capitale du Grand jeu mais qui ne vient pourtant que par intermittence sur le devant de la scène. La dégringolade américaine n’y est sans doute pas pour rien :

Les années 90 ou l’âge d’or de l’empire. La Russie eltsinienne est alors au fond du gouffre, la Chine n’est pas encore ce qu’elle est devenue et la thalassocratie américaine peut rêver les yeux ouverts de s’implanter durablement au cœur même du continent-monde.

Elle soutient dès 1994 le séparatisme tchétchène menaçant de désagréger le Heartland russe tandis que fleurissent les projets de captation des richesses énergétiques de la Caspienne afin d’isoler Moscou. Le fameux BTC est conçu, véritable bébé de Brzezinski qui publie en 1997 son non moins fameux Grand échiquier :

Il est impératif qu’aucune puissance eurasienne concurrente capable de dominer l’Eurasie ne puisse émerger et ainsi contester l’Amérique. La mise au point d’un plan géostratégique relatif à l’Eurasie est donc le sujet de ce livre.

Tout est dit. Ce plan n’est rien moins que monumental :

En mars 1999, au moment même où les premières bombes s’abattaient sur la Serbie et quelques jours avant que la Pologne, la Hongrie et la République tchèque ne deviennent membres de l’OTAN, le Congrès américain approuva le Silk Road Strategy Act, ciblant ni plus ni moins huit ex-républiques de l’URSS – les trois du Caucase et les cinq -stan d’Asie centrale. Derrière la novlangue de rigueur, le but était de créer un axe énergétique est-ouest et d’arrimer fermement ces pays à la communauté euro-atlantique. Dans le collimateur, même si cela n’était pas dit explicitement : Moscou et Pékin.

Mars 1999 ou la folie des grandeurs américaine… Europe de l’est, Balkans, Caucase, Asie centrale : la Russie serait isolée sur tout son flanc sud et l’Eurasie divisée pour toujours.

Un quart de siècle plus tard, Lisa Curtis, directrice du département Asie centrale et méridionale au Conseil de Sécurité Nationale, ne peut que constater les dégâts : « L’influence chinoise augmente sans cesse dans la région tandis que le poids de la Russie y est toujours aussi fort, ce dans toutes les sphères, politique, économique et militaire. » Puis vient la confidence, terrible pour les petits génies des années 90 : « Nous ne nous attendons pas à ce que la situation change et nous ne cherchons pas (plus ?) à rivaliser avec l’influence russe. » Dr Zbig doit se retourner dans sa tombe…

Pour Washington, c’est game over en Asie centrale et dame Curtis ne fait qu’entériner un état de fait. Qu’elles sont loin, les prodigieuses velléités impériales de l’âge d’or. Et ce n’est pas le sympathique voyage de Pompée au Kazakhstan et en Ouzbékistan qui changera quoi que ce soit, comme le reconnaît, désabusé, un autre think tank.

Si les -stan utilisent souvent ces rares visites américaines pour faire monter un peu les enchères vis-à-vis de Moscou et Pékin dans leurs négociations bilatérales, cela ne trompe personne et surtout pas les Etats-Unis. D’ailleurs, deux semaines après le départ du secrétaire d’Etat US, le nouveau président kazakh, Tokaïev, a remis les points sur les i à la conférence de Munich :

    • le Kazakhstan restera une « locomotive de l’intégration de l’Eurasie »
    • il faut accélérer le développement de l’Union Economique Eurasienne [d’obédience russe]
    • les nouvelles routes de la Soie chinoises sont une bénédiction pour l’Asie centrale.

Pompeo a dû entendre ses oreilles siffler mais, pour le fidèle lecteur de nos Chroniques, c’est tout sauf une surprise. Nous prévenions l’année dernière que la démission du liderissimo Nazarbaïev et l’arrivée au pouvoir de Tokaïev ne changeraient rien aux liens étroits d’Astana avec l’ours et le dragon et pourraient même les renforcer.

Bingo ! Et le nouveau président kazakh de conclure en énumérant quelques-unes des réalisations liées aux routes de la Soie ou aux financements chinois, dont la voie ferroviaire Kazakhstan-Ouzbékistan-Iran qui connecte les steppes d’Asie centrale au Golfe persique sous le bienveillant patronage de Pékin et de Moscou. Alors que l’empire a plié bagage, le maillage du continent-monde se met en place…

Le Pompée du Potomac a-t-il totalement jeté l’éponge ? Pas tout à fait si l’on en croit le judicieux Bhadrakumar, qui voit dans les événements kirghizes la main de tonton Sam tentant une énième “révolution colorée” dans les steppes. Vous l’avouerais-je ? votre serviteur est pour sa part beaucoup plus circonspect sur ce qui s’est vraiment passé. La conclusion, par contre, est la même : game over pour le Washingtonistan.

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D’après l’ex-diplomate indien, les élections contestées du 4 octobre, ont provoqué une insurrection alimentée par les déclarations de l’ambassade US et des habituelles officines type Radio Liberté. C’est là que je diverge : j’ai du mal à y voir autre chose qu’un simple suivisme des événements, teinté de bienveillance certes, mais qui ne va guère au-delà, d’autant que l’influence américaine s’est largement érodée et n’est plus l’ombre de ce qu’elle était au temps des Tulipes révolutionnaires de 2005…

Toujours est-il que, les voyages de l’envoyé du Kremlin aidant, un nouveau personnage a été propulsé en avant et a mis tout le monde d’accord, remplaçant au pied levé le président qui, à la surprise générale, a démissionné après avoir assuré qu’il ne le ferait jamais. Le nouvel homme fort, Sadyr Japarov de son doux nom, n’était pas du tout attendu par l’ambassade états-unienne qui se lamente de la prise du pouvoir par “un gang criminel”. Et Bhadrakumar de conclure que la Russie a court-circuité comme à la parade la tentative de putsch de Washington.

Que cette tentative soit réelle ou non, une chose est sûre : l’ours a un entregent certain dans la région, contre lequel les Américains ne peuvent tout simplement pas lutter. Chose intéressante, il se pourrait que Pékin, dont le fort intérêt pour le Kirghizistan (routes de la Soie) n’est plus à démontrer, ait laissé à son allié le soin de régler la situation. Ce serait un nouvel exemple accompli de partage des tâches qui ne ferait que confirmer la symbiose sino-russe dont nous parlons depuis longtemps.

Biélorussie, Caucase, Kirghizistan, Nord Stream II : en une dizaine de jours, Moscou a, par petites touches subtiles, retourné la situation de façon magistrale. Les stratèges impériaux, qui pensaient enfin marquer des points, doivent se demander ce qui a bien pu se passer…

=> Source : Le Grand jeu

Soros, Gates, Covid-19 : la répression commence ! Entretien avec Pierre-Antoine Plaquevent

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Soros, Gates, Covid-19 : la répression commence !

Entretien avec Pierre-Antoine Plaquevent

 
Pierre Antoine Plaquevent était invité à présenter son travail à l'occasion de la rencontre locale du pays réel organisée par Civitas en région parisienne le 3 octobre 2020 : "Covid, Big Pharma, Bill Gates, Soros, de la tyrannie sous prétexte sanitaire au nouvel ordre mondial". Il reprend ici pour nous son intervention.
 
 
 

Chers amis, 

Voici un entretien d'environ 45 min réalisé avec Média Presse Info. Cet entretien brosse un tableau d'ensemble de la séquence en cours.

Parmi les thématiques abordées :

-          L'enrichissement colossal des milliardaires globalistes pendant le confinement

 

-          La répartition des domaines d'influence métapolitique au sein de la gouvernance mondiale entre milliardaires (Soros, Gates, Buffet etc)

 

-          L’affrontement global entre paléo-capitalisme (personnifié par Trump) et néo-capitalisme (Gates, Soros, Buffet, Bézos etc)

 

-          Les objectifs et les buts de l'opération Covid : vaccination de masse, reset économique, passage à la digitalisation totale, télé-travail généralisé, robotisation, salaire universel, décroissance démographique etc.

 

-          Répression des nationalistes-révolutionnaires à la faveur de l'état d'urgence sanitaire : Ryssen, Soral, Aube dorée etc

 

-          Contours du paysage politique de l’avenir après répression des nationalistes-révolutionnaires : globalistes vs néo-conservateurs

 

-          Récupération et utilisation du Covid par les différents léviathans nationaux

 

-          France : l’état d'exception permanent depuis 2015. Utilisation des menaces terroriste et sanitaire pour soumettre la population majoritaire malgré la déréliction de l'État que génère la soumission de nos politiques à l’agenda globaliste. Le séparatisme vient d'abord d'en-haut. Passage du politique à la cybernétique et à l'ingénierie sociale pure 

 

-          République actuelle = GOG – Gouvernement d'Occupation Globaliste

 

-       Cause réelle de la crise globale actuelle : USA de Trump se découplent de la gouvernance globale  

 

-          L’affrontement interne au sein de la gouvernance globale entre judéo-protestantisme pro-vie et globalitarisme trans / post-humaniste

 

-       USA vs gouvernance globale + Chine

 

-          USA : les démocrates accepteraient-ils de perdre les élections ? Le “Transition Integrity Project” démontre que non

 

-          Gouvernance globale et guerre civile planétaire

 

Bien amicalement, 

Pierre-Antoine Plaquevent

jeudi, 22 octobre 2020

Géopolitique des élections américaines

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Géopolitique des élections américaines

 
 
Auteur : Alexandre Douguine
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Un consensus centenaire des élites américaines

L’expression même de « géopolitique des élections américaines » semble assez inhabituelle et inattendue. Depuis les années 1930, la confrontation entre deux grands partis américains – le Great Old Party (GOP) et les Blue Democrats – est devenue une compétition basée sur l’accord avec les principes de base de la politique, de l’idéologie et de la géopolitique acceptés par les deux parties. L’élite politique des États-Unis était fondée sur un consensus profond et complet – tout d’abord, sur la dévotion au capitalisme, au libéralisme et à l’affirmation des États-Unis comme principale puissance du monde occidental. Qu’il s’agisse des « républicains » ou des « démocrates », il était possible de s’assurer que leur vision de l’ordre mondial était presque identique – mondialiste,

  • libérale,
  • unipolaire,
  • atlantique et
  • americano-centrique.

Cette unité a été institutionnalisée au sein du Council on Foreign Relations (CFR), créé au moment de l’accord de Versailles après la Première Guerre mondiale et réunissant des représentants des deux partis. Le rôle du CFR ne cesse de croître et, après la Seconde Guerre mondiale, il devient le principal siège du mondialisme montant. Pendant les premières étapes de la guerre froide, le CFR a permis la convergence des deux systèmes, avec l’URSS, sur la base des valeurs communes des Lumières. Mais en raison du net affaiblissement du camp socialiste et de la trahison de Gorbatchev, la « convergence » n’était plus nécessaire, et la construction de la paix mondiale était entre les mains d’un seul pôle – celui qui a gagné la guerre froide.

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Le début des années 90 du XXe siècle a été la minute de gloire des mondialistes et du CFR lui-même. À partir de ce moment, le consensus des élites américaines, quelle que soit leur affiliation politique, s’est renforcé et les politiques de Bill Clinton, George W. Bush ou Barack Obama – du moins en ce qui concerne les grandes questions de politique étrangère et l’attachement à l’agenda mondialiste – ont été pratiquement identiques. Du côté des républicains – analogue à la « droite » des mondialistes (représentés principalement par les démocrates) – se trouvent les néoconservateurs qui ont évincé les paléoconservateurs à partir des années 1980, c’est-à-dire ces républicains qui maintenaient la tradition isolationniste et qui restaient fidèles aux valeurs conservatrices, ce qui était caractéristique du parti républicain au début du XXe siècle et aux premiers stades de l’histoire américaine.

Oui, les Démocrates et les Républicains divergeaient en matière de politique fiscale, de médecine et d’assurance (ici, les Démocrates étaient économiquement de gauche et les Républicains de droite), mais c’était une dispute au sein du même modèle, qui n’avait que peu ou pas d’incidence sur les principaux vecteurs de la politique intérieure, et encore moins sur les vecteurs étrangers. En d’autres termes, les élections américaines n’avaient pas de signification géopolitique, et donc une combinaison telle que « géopolitique des élections américaines » n’avait pas cours, en raison de son absurdité et de sa vacuité.

Trump est en train de détruire le consensus

Tout a changé en 2016, lorsque l’actuel président américain Donald Trump est arrivé au pouvoir de manière inattendue. En Amérique même, son arrivée a été quelque chose d’assez exceptionnel. Tout le programme électoral de Trump était basé sur la critique du mondialisme et des élites américaines au pouvoir. En d’autres termes, M. Trump a directement contesté le consensus des deux partis, y compris l’aile néoconservatrice de son parti républicain, et ….il a gagné. Bien sûr, les 4 années de présidence de Trump ont montré qu’il était tout simplement impossible de restructurer complètement la politique américaine d’une manière aussi inattendue, et Trump a dû faire de nombreux compromis, y compris jusqu’à la nomination du néoconservateur John Bolton comme son conseiller à la sécurité nationale. Mais quoi qu’il en soit, il a essayé de suivre sa ligne, au moins en partie, ce qui a rendu les mondialistes furieux. Trump a ainsi brusquement modifié la structure même des relations entre les deux grands partis américains. Sous sa direction, les républicains sont partiellement revenus à la position nationaliste américaine inhérente aux premiers GOP – d’où les slogans « America first ! » ou « Let’s make America great again ! ». Cela a provoqué la radicalisation des démocrates qui, à partir de l’affrontement entre Trump et Hillary Clinton, ont en fait déclaré la guerre à Trump et à tous ceux qui soutiennent sa guerre à lui en matière politique, idéologique, médiatique, économique, etc.

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Pendant 4 ans, cette guerre n’a pas cessé un seul instant, et aujourd’hui – à la veille de nouvelles élections – elle a atteint son apogée. Elle s’est manifestée

  • dans la déstabilisation généralisée du système social,
  • dans le soulèvement des éléments extrémistes dans les grandes villes américaines (avec un soutien presque ouvert du Parti démocrate aux forces anti-Trump),
  • dans la diabolisation directe de Trump et de ses partisans, qui, si Biden gagne, sont menacés d’une véritable épuration, quel que soit le poste qu’ils aient occupé,
  • en accusant Trump et tous les patriotes et nationalistes américains de fascisme,
  • dans des tentatives de présenter Trump comme un agent des forces extérieures – principalement Vladimir Poutine – etc.

L’aigreur de la confrontation entre les partis dans laquelle certains républicains eux-mêmes, principalement des néoconservateurs (comme Bill Kristol, l’idéologue en chef des néoconservateurs) se sont opposés à Trump, a conduit à une forte polarisation de la société américaine dans son ensemble. Et aujourd’hui, à l’automne 2020, sur fond d’épidémie persistante de Covid-19 et de ses conséquences sociales et économiques, la course électorale représente quelque chose de complètement différent de ce qu’elle avait été au cours des 100 dernières années de l’histoire américaine – à partir du traité de Versailles, les 14 points mondialistes de Woodrow Wilson et la création du CFR.

Les années 90 : une minute de gloire mondialiste

Bien sûr, ce n’est pas Donald Trump qui a personnellement brisé le consensus mondialiste des élites américaines, mettant les États-Unis pratiquement au bord d’une guerre civile à part entière. Trump était un symptôme des profonds processus géopolitiques qui se sont déroulés depuis le début des années 2000.

Dans les années 90, le mondialisme a atteint son apogée, le camp soviétique était en ruines, la Russie était dirigée par des agents américains directs et la Chine commençait tout juste à copier docilement le système capitaliste, ce qui a créé l’illusion de la « fin de l’histoire » (F. Fukuyama). Ainsi, la mondialisation n’a été ouvertement contrée que par les structures extraterritoriales du fondamentalisme islamique, à leur tour contrôlées par la CIA et les alliés des États-Unis, d’Arabie Saoudite et d’autres pays du Golfe, et par certains « États voyous » – comme l’Iran chiite et la Corée du Nord encore communiste, qui ne représentaient pas en eux-mêmes le grand danger. Il semblait que la domination du mondialisme était totale, que le libéralisme restait la seule idéologie capable de subjuguer toutes les sociétés et que le capitalisme était le seul système économique. On est allé jusqu’à la proclamation du gouvernement mondial (c’est l’objectif des mondialistes, et en particulier, le point culminant de la stratégie du CFR).

Les premiers signes de la multipolarité

Mais quelque chose a mal tourné depuis le début des années 2000. La désintégration et la dégradation de la Russie se sont arrêtées avec Poutine, cette Russie dont la disparition définitive de l’arène mondiale était une condition préalable au triomphe des mondialistes. S’engageant sur la voie de la restauration de sa souveraineté, la Russie a parcouru en 20 ans un long chemin, devenant l’un des pôles les plus importants de la politique mondiale, bien sûr, encore bien souvent inférieure à la puissance de l’URSS et du camp socialiste, mais cessant d’être l’esclave soumise à l’Occident, comme elle l’était dans les années 90.

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Dans le même temps, la Chine, en entreprenant la libéralisation de l’économie, a gardé le pouvoir politique entre les mains du parti communiste, échappant au sort de l’URSS, à l’effondrement, au chaos, à la « démocratisation » selon les normes libérales, et devenant progressivement la plus grande puissance économique, comparable aux États-Unis.

En d’autres termes, il y avait les conditions préalables à un ordre mondial multipolaire, qui, avec l’Occident lui-même (les États-Unis et les pays de l’OTAN), avait au moins deux autres pôles assez importants et significatifs – la Russie et la Chine de Poutine. Et plus on s’éloignait, plus cette image alternative du monde apparaissait clairement, dans laquelle, à côté de l’Occident libéral mondialiste, d’autres types de civilisations basées sur les pôles de pouvoir croissants – la Chine communiste et la Russie conservatrice – faisaient entendre leur voix de plus en plus fort. Des éléments du capitalisme et du libéralisme sont présents à la fois ici et là. Ce n’est pas encore une véritable alternative idéologique, ni une contre-hégémonie (selon Gramsci), mais c’est autre chose. Sans devenir multipolaire au sens plein du terme, le monde a cessé d’être unipolaire sans ambiguïté dans les années 2000. La mondialisation a commencé à s’étouffer, à perdre son cap. Cela s’est accompagné d’une scission imminente entre les États-Unis et l’Europe occidentale. En outre, le populisme de droite et de gauche a commencé à se développer dans les pays occidentaux, ce qui a rendu visible un mécontentement croissant de l’opinion publique face à l’hégémonie des élites libérales mondialistes. Le monde islamique a également poursuivi sa lutte pour les valeurs islamiques, qui ont toutefois cessé d’être strictement identifiées au fondamentalisme (contrôlé d’une manière ou d’une autre par les mondialistes) et ont commencé à prendre des formes géopolitiques plus claires :

  • la montée du chiisme au Moyen-Orient (Iran, Irak, Liban, en partie Syrie),
  • l’indépendance croissante – jusqu’aux conflits avec les États-Unis et l’OTAN – de la Turquie sunnite de Erdogan,
  • les oscillations des pays du Golfe entre l’Occident et d’autres centres de pouvoir (Russie, Chine), etc.

L’élan de Trump : un grand coup de théâtre

Les élections américaines de 2016, qui ont été remportées par Donald Trump, se sont déroulées dans ce contexte – à une époque de grave crise du mondialisme et des élites mondialistes au pouvoir.

C’est alors que la façade du consensus libéral a conduit à l’émergence d’une nouvelle force – cette partie de la société américaine qui ne voulait pas s’identifier avec les élites mondialistes au pouvoir. Le soutien de Trump est devenu un vote de défiance à l’égard de la stratégie du mondialisme – non seulement démocratique, mais aussi républicain. Ainsi, le schisme s’est installé dans la citadelle même du monde unipolaire, dans le siège de la mondialisation. Sous le poids du mépris, ils devenaient les « déplorables », une majorité silencieuse, une majorité dépossédée (V. Robertson). Trump est devenu un symbole du réveil du populisme américain.

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Ainsi, aux États-Unis, la vraie politique est revenue, les disputes idéologiques ont repris et la destruction de monuments de l’histoire américaine est devenue l’expression d’une profonde division de la société américaine sur les questions les plus fondamentales.

Le consensus américain s’est effondré

Désormais, élites et masses, mondialistes et patriotes, démocrates et républicains, progressistes et conservateurs sont devenus des pôles à part entière et indépendants – avec leurs stratégies, programmes, points de vue, évaluations et systèmes de valeurs changeants. Trump a fait sauter l’Amérique, a brisé le consensus des élites et a fait dérailler la mondialisation.

Bien sûr, il ne l’a pas fait seul. Mais il a eu l’audace – peut-être sous l’influence idéologique du conservateur atypique et antimondialiste Steve Bannon (un cas rare d’intellectuel américain familier du conservatisme européen, et même du traditionalisme de René Guénon et de Julius Evola) – de dépasser le discours libéral dominant, ouvrant ainsi une nouvelle page de l’histoire politique américaine. Sur cette page, cette fois, on lit clairement la formule « géopolitique des élections américaines ».

L’élection américaine de 2020 : tout est remis en jeu

En fonction du résultat des élections de novembre 2020, les éléments suivants seront redessinés :

  • l’architecture de l’ordre mondial (transition vers le nationalisme et la multipolarité réelle dans le cas de Trump, poursuite de l’agonie de la mondialisation dans le cas de Biden),
  • la stratégie géopolitique globale des États-Unis (l’Amérique d’abord dans le cas de Trump, un saut désespéré vers le gouvernement mondial dans le cas de Biden),
  • Le sort de l’OTAN (sa dissolution en faveur d’une structure qui reflète plus strictement les intérêts nationaux des États-Unis – cette fois-ci en tant qu’État, et non comme un rempart de la mondialisation dans son ensemble (dans le cas de Trump) ou la préservation du bloc atlantique en tant qu’instrument des élites libérales supranationales (dans le cas de Biden),
  • l’idéologie dominante (le conservatisme de droite, le nationalisme américain dans le cas de Trump, le mondialisme de gauche, l’élimination définitive de l’identité américaine dans le cas de Biden),
  • la polarisation des démocrates et des républicains (poursuite de la croissance de l’influence des paléo-conservateurs au sein du gouvernement en cas de victoire de Trump) ou retour au consensus bipartite (dans le cas de Biden avec une nouvelle croissance de l’influence des néoconférences au sein du gouvernement),
  • et même le sort du deuxième amendement constitutionnel (son maintien dans le cas de Trump, et son éventuelle abrogation dans le cas de Biden).

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Ce sont des moments si importants que le sort de Trump, les murs de Trump, et même les relations avec la Russie, la Chine et l’Iran s’avèrent être quelque chose de secondaire. Les États-Unis sont si profondément et si complètement divisés que la question est maintenant de savoir si le pays survivra à des élections aussi inédites. Cette fois, la lutte entre les démocrates et les républicains, Biden et Trump, est une lutte entre deux sociétés disposées agressivement l’une contre l’autre, et non un spectacle insensé dont rien ne dépend fondamentalement. L’Amérique a atteint un clivage fatal. Quel que soit le résultat de cette élection, les États-Unis ne seront plus jamais les mêmes. Quelque chose a changé de manière irréversible.

C’est pourquoi nous parlons de la « géopolitique de l’élection américaine », et c’est pourquoi elle est si importante. Le sort des États-Unis est, à bien des égards, le sort du monde moderne tout entier.

Le phénomène du « Heartland »

La notion de géopolitique la plus importante depuis l’époque de Mackinder, le fondateur de cette discipline, est celle de « Heartland ». Cela signifie le noyau de la « civilisation terrestre » (Land Power), s’opposant à la « civilisation de la puissance maritime ».

Mackinder lui-même, et surtout Carl Schmitt, qui a développé son idée et son intuition, parle de la confrontation entre deux types de civilisations, et pas seulement de la disposition stratégique des forces dans un contexte géographique.

La « Civilisation de la mer » incarne l’expansion, le commerce, la colonisation, mais aussi le « progrès », la « technologie », les changements constants de la société et de ses structures, à l’image de l’élément très liquide de l’océan – la société liquide de Z. Bauman.

C’est une civilisation sans racines, mobile, mouvante, « nomade ».

La « civilisation de la terre », au contraire, est liée au conservatisme, à la constance, à l’identité, à la durabilité, à la méritocratie et aux valeurs immuables ; c’est une culture qui a des racines, qui est sédentaire.

Ainsi, le « Heartland » acquiert lui aussi une signification civilisationnelle – il n’est pas seulement une zone territoriale aussi éloignée que possible des côtes et des espaces maritimes, mais aussi une matrice d’identité conservatrice, une zone de fortes racines, une zone de concentration maximale d’identité.

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En appliquant la géopolitique à la structure moderne des États-Unis, on obtient une image étonnante par sa clarté. La particularité du territoire américain est que le pays est situé entre deux espaces océaniques – entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique. Contrairement à la Russie, il n’y a pas aux États-Unis de tendance nette au déplacement du centre vers l’un des pôles – bien que l’histoire des États-Unis ait commencé sur la côte Est et se soit progressivement déplacée vers l’Ouest; aujourd’hui, dans une certaine mesure, les deux zones côtières sont plutôt développées et représentent deux segments de la « civilisation de la mer » distincte.

Les États-Unis et la géopolitique électorale

Et c’est là que le plaisir commence. Si nous prenons la carte politique des États-Unis et que nous la colorions avec les couleurs des deux principaux partis en fonction du principe de savoir quels gouverneurs et quels partis dominent dans chacun d’eux, nous obtenons trois bandes :

  • La côte Est sera bleue, avec de grandes zones métropolitaines concentrées ici, et donc dominées par les démocrates ;
  • la partie centrale des États-Unis – zone de survol, zones industrielles et agraires (y compris « l’Amérique à un étage »), c’est-à-dire le Heartland proprement dit – est presque entièrement en rouge (zone d’influence républicaine) ;
  • La côte ouest concentre à nouveau des mégalopoles, des centres de haute technologie, et par conséquent la couleur bleue des démocrates.

Bienvenue dans la géopolitique classique, c’est-à-dire en première ligne de la « Grande Guerre des Continents ».

Ainsi, US-2020 ne se compose pas seulement d’échantillons variés de population, mais exactement de deux zones de civilisation – le Heartland central et deux territoires côtiers, qui représentent plus ou moins le même système social et politique, radicalement différent du Heartland. Les zones côtières sont la zone des démocrates. C’est là que se trouvent les foyers de la contestation la plus active du BLM, des LGBT+, du féminisme et de l’extrémisme de gauche (groupes terroristes « anti-fa »), qui ont été impliqués dans la campagne électorale des démocrates pour Biden et contre Trump.

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Avant Trump, il semblait que les États-Unis n’étaient qu’une zone côtière. Trump a donné sa voix au cœur de l’Amérique. Ainsi, le centre rouge des États-Unis a été activé et activé. Trump est le président de cette « deuxième Amérique », qui n’a presque aucune représentation dans les élites politiques et n’a presque rien à voir avec l’agenda des mondialistes. C’est l’Amérique des petites villes, des communautés et des sectes chrétiennes, des fermes ou même des grands centres industriels, dévastée et dévastée à répétition par la délocalisation de l’industrie et le déplacement de l’attention vers des zones où la main-d’œuvre est moins chère. C’est une Amérique qui est déserte, loyale, oubliée et humiliée. C’est la patrie des vrais Amérindiens – des Américains avec des racines, qu’ils soient blancs ou non, protestants ou catholiques. Et cette Amérique centrale est en train de disparaître rapidement, à l’étroit entre  les zones côtières.

L’idéologie du cœur de l’Amérique : la vieille démocratie…

Il est révélateur que les Américains eux-mêmes aient récemment découvert cette dimension géopolitique des États-Unis. En ce sens, l’initiative de créer un Institut de développement économique complet, axé sur des plans de relance des micro-villes, des petites villes et des centres industriels situés au centre des États-Unis, est typique. Le nom de l’Institut parle de lui-même: « Heartland forward », « Heartland forward ! ». En fait, il s’agit d’un décryptage géopolitique et géoéconomique du slogan de Trump « Let’s make America great again ! »

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Dans un article récent du dernier numéro du magazine conservateur American Affairs (Automne 2020. V IV, ? 3), l’analyste politique Joel Kotkin publie des documents du programme « The Heartland’s Revival » sur le même sujet – « La renaissance de Heartland ». Et bien que Joel Kotkin ne soit pas encore parvenu à la conclusion que les « États rouges » sont, en fait, une civilisation différente des zones côtières, de par sa position pragmatique et plus économique, il s’en rapproche.

La partie centrale des États-Unis est une zone très spéciale avec une population, où prévalent les paradigmes de la « vieille Amérique » avec sa « vieille démocratie », son « vieil individualisme » et sa « vieille » idée de la liberté. Ce système de valeurs n’a rien à voir avec la xénophobie, le racisme, la ségrégation ou tout autre substantif péjoratif que les Américains moyens des États intermédiaires se voient généralement attribuer par les intellectuels et les journalistes arrogants des mégalopoles et des chaînes nationales. C’est l’Amérique, avec toutes ses caractéristiques, la vieille Amérique traditionnelle, quelque peu figée dans sa volonté initiale de liberté individuelle depuis l’époque des pères fondateurs. Elle est surtout représentée par la secte amish, encore habillée dans le style du XVIIIe siècle, ou par les mormons de l’Utah, qui professent un culte grotesque mais purement américain, rappelant très vaguement le « christianisme ». Dans cette vieille Amérique, une personne peut avoir toutes sortes de croyances, dire et penser ce qu’elle veut. C’est la racine du pragmatisme américain : rien ne peut limiter ni le sujet ni l’objet, et les relations entre ceux-ci ne se révèlent que dans le feu de l’action. Encore une fois, cette action a un seul critère : ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas. Et c’est tout. Personne ne peut prescrire un éventuel « vieux libéralisme » selon lequel chacun devrait penser, parler ou écrire. Le politiquement correct n’a aucun sens ici.

Il est seulement souhaitable d’exprimer clairement sa propre pensée, qui peut être, théoriquement, tout ce que l’on veut. Dans une telle liberté de tout, tout est l’essence du « rêve américain ».

Deuxième amendement à la Constitution : protection armée de la liberté et de la dignité …

Le cœur de l’Amérique ne se résume pas à l’économie et à la sociologie. Elle a sa propre idéologie. C’est une idéologie amérindienne – plutôt républicaine – en partie anti-européenne (surtout anti-britannique), reconnaissant l’égalité des droits et l’inviolabilité des libertés. Et cet individualisme législatif s’incarne dans le libre droit de posséder et de porter des armes. Le deuxième amendement à la Constitution est un résumé de toute l’idéologie d’une telle Amérique « rouge » (au sens de la couleur GOP). « Je ne prends pas ce qui est à toi, mais tu ne touches pas non plus à ce qui m’appartient. » C’est le résumé de ce que véhicule un couteau, un pistolet, une arme à feu, mais aussi une mitrailleuse ou un pistolet mitrailleur. Il ne s’agit pas seulement de choses matérielles, mais aussi de croyances, de modes de pensée, de choix politiques libres et d’estime de soi.

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Mais les zones côtières, les territoires américains de la « Civilisation de la mer », les États bleus, voilà ce qui est attaqué. Cette « vieille démocratie », cet « individualisme », cette « liberté » n’ont rien à voir avec les normes du politiquement correct, avec une culture de plus en plus intolérante et agressive, avec la démolition des monuments aux héros de la guerre de Sécession ou avec le fait de baiser les pieds des Afro-Américains, des transsexuels et des monstres à corps positif. La « civilisation de la mer » considère la « vieille Amérique » comme un ensemble de « déplorables » (selon les termes d’Hillary Clinton), comme une masse de « fascistophiles » et de « dissidents ». À New York, Seattle, Los Angeles et San Francisco, nous avons déjà affaire à une autre Amérique – une Amérique bleue de libéraux, de mondialistes, de professeurs postmodernes, de partisans de la perversion et d’un athéisme prescriptif offensif, qui chasse de la zone de tolérance tout ce qui ressemble à la religion, à la famille, à la tradition.

La Grande Guerre des Continents aux Etats-Unis : Proximité de l’issue

Ces deux Amériques – Earth America et Sea America – rassemblent leurs forces aujourd’hui dans une lutte acharnée pour leur président. Et tant les démocrates que les républicains n’ont sciemment aucune intention de reconnaître un gagnant s’il vient du camp opposé. Biden est convaincu que Trump « a déjà truqué les résultats des élections », et que son « ami » Poutine « s’en est déjà mêlé » avec l’aide des services secrets, la GRU, du « nouveau venu », des trolls Holguin et d’autres écosystèmes multipolaires de la « propagande russe ». Par conséquent, les démocrates n’ont pas l’intention de reconnaître la victoire de Trump. Ce ne sera pas une victoire, mais une « fake news ».

Les républicains les plus conséquents le considèreraient également comme une falsification. Les démocrates utilisent des méthodes illégales dans la campagne électorale – en fait, les États-Unis eux-mêmes ont une « révolution des couleurs » dirigée contre Trump et son administration. Et les traces de ses organisateurs, parmi les principaux mondialistes et opposants de Trump George Soros, Bill Gates et autres fanatiques de la « nouvelle démocratie », les représentants les plus brillants et les plus conséquents de la « civilisation de la mer » américaine, sont absolument transparentes derrière cette révolution. C’est pourquoi les républicains sont prêts à aller jusqu’au bout, d’autant plus que le ressentiment des démocrates contre Trump et les personnes nommées par ce dernier au cours des 4 dernières années est telle que si Biden se retrouve à la Maison Blanche, la répression politique contre une partie de l’establishment américain – du moins contre toutes les personnes nommées par Trump – aura une ampleur sans précédent.

C’est ainsi que la tablette de chocolat américain se brise sous nos yeux – les lignes de fracture possibles deviennent les fronts de la véritable guerre elle-même.

Ce n’est plus seulement une campagne électorale, c’est la première étape d’une véritable guerre civile.

Dans cette guerre, deux Américains – deux idéologies, deux démocraties, deux libertés, deux identités, deux systèmes de valeurs s’excluant mutuellement, deux politiciens, deux économies et deux géopolitiques – se font face.

Si nous comprenions l’importance actuelle de la « géopolitique de l’élection américaine », le monde retiendrait son souffle et ne penserait à rien d’autre – ni même à la pandémie de Covid-19 ou aux guerres, conflits et catastrophes locales. Au centre de l’histoire du monde, au centre de la détermination du destin de l’avenir de l’humanité se trouve la « géopolitique des élections américaines » – la scène américaine de la « grande guerre des continents », la terre américaine contre la mer américaine.

Source : http://dugin.ru et https://izborsk-club.ru/20027 

Traduit du russe par « Le rouge et le blanc », sur : http://pocombelles.over-blog.com/2020/10

Traduction revue par Maria Poumier

L'auteur, Alexandre Guelievitch Douguine né en 1962 est un éminent philosophe, écrivain, éditeur, personnalité publique et politique russe. Docteur en sciences politiques. Professeur de l'Université d'État de Moscou. Leader du Mouvement international eurasien. Membre permanent du Club d’Izborsk.